Première

SCÈNE CULTE

PAR JEAN-MARIE POIRÉ. « Messire, un Sarrasin ! » est sans doute l’une des répliques les plus cultes du cinéma français. Jean-Marie Poiré nous détaille la fameuse scène de la destructio­n de la voiture de la Poste dans Les Visiteurs. u PAR CHRISTOPHE NARBON

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Les Visiteurs, de Jean-Marie Poiré

Black Out

« Le principe des Visiteurs, c’est de confronter des gens issus du Moyen Âge à la modernité. Les mettre en présence d’une voiture et d’un Noir (un “Sarrasin” pour eux, soit l’ennemi de leur époque) était imparable. Aussi ai-je été ulcéré quand John Hughes a enlevé cette scène du remake américain. “C’est trop raciste, m’avait-il dit. Vous, en France, vous vous en foutez, mais nous, on est très tatillons làdessus.” Comme si on n’y avait pas pensé ! Il faut être idiot pour ne pas comprendre que l’histoire le justifie. »

Tricherie spatio-temporelle

« Le contrecham­p de la scène dans la forêt a été tourné dans un autre coin de l’Oise et à un autre moment. En réalité, cette partie est à 200 mètres du décor de la crypte. Producteur de mes films, j’essaie de raisonner en termes d’économie. Je dis toujours à mes assistants de penser les lieux en fonction de la possibilit­é de tourner en intérieurs ou en extérieurs. Si la météo est changeante, je vais ainsi d’un plateau à l’autre. »

Course accélérée

« Quand on a tourné Les Visiteurs, une nouvelle caméra venait de sortir. Elle permettait, via un système électroniq­ue incorporé et une télécomman­de, de modifier en direct la vitesse de la caméra. C’était extrêmemen­t pratique. Avant, vous définissie­z cette vitesse à l’arrêt, vous tourniez, puis vous répétiez le process pour changer. Ce n’était pas fluide à l’image. Là, j’ai pu accélérer la course de Jacquouill­e dans la forêt (pour produire un effet cartoon) et la ralentir naturellem­ent lorsqu’il s’approche de Godefroy pour lui parler. »

Cheval fou

« Le cheval était issu de l’écurie de Mario Luraschi. Avec ce genre d’animal dressé, il ne faut jamais crier “moteur !“à tort et à travers, sinon il s’excite. Généraleme­nt, tant qu’il n’est pas prêt, je chuchote “caméra” ou “on y va”. Là, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai hurlé “MOTEUR !”. Désorienté, il s’est mis à courir dans tous les sens. C’était magique. Ça rajoute de la bizarrerie à l’arrière-plan. »

Plans à la main

« Je tourne généraleme­nt à deux caméras : ça permet d’avoir des grosseurs différente­s et de très bons raccords avec les acteurs. Pour cette scène, cependant, j’avais une obsession : la finir dans la journée car le beau temps n’allait pas durer. J’ai donc fait ce que je fais souvent en pareil cas, c’est-à-dire prendre une caméra à la main et multiplier les plans rapprochés. Ce genre de caméra n’est pas stable mais je savais que les plans tournés seraient brefs et énergiques et ne gêneraient pas les spectateur­s. »

Auto-tamponneus­es

« J’aimais l’idée que la voiture ait un emblème qui évoque un écusson aux héros. La Poste a accepté et nous a prêté une voiture – celle qui roule, au début. Il y en a deux autres, données par Renault, que nous avons truquées pour la démolition. On avait en effet essayé de taper dessus en préparatio­n pour voir ce que ça donnait : ça fait en réalité très mal aux mains pour un résultat quelconque ! Avant de tourner, on a donc “cassé” les voitures en cachant les traces occasionné­es par une fine couche de peinture jaune. »

Vraie trouille

« Théophile Sowié, qui joue le postier, était charmant et très bon acteur. Quand il détale furieuseme­nt, ce n’est toutefois pas du chiqué. La vraie masse d’armes envoyée par Jean Reno en direction de la voiture a rebondi sur le pare-brise au lieu de l’éclater et a failli toucher Théophile qui a eu la peur de sa vie. C’est évidemment la prise que j’ai conservée même si on a corrigé les choses pour les raccords. »

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