Première

PREMIÈRE STORY

Qui est vraiment Paddington ? Un trésor national, symbole des valeurs éternelles de l’Angleterre ? Pas seulement. Alors que sort Paddington 2, retour sur un mythe national bien léché mais plus complexe qu’on peut le croire.

- u PAR GAËL GOLHEN

Paddington 2

La France a Astérix, les Anglais Paddington. Un ourson au duffle- coat bleu marine irrésistib­le. Une madeleine de l’anglicité ( Paddington s’amuse avec les bobbies, prend le bus à impériale, boit son 5 o’clock tea), un petit bijou pop, incarnatio­n jusqu’au bout des griffes de l’imaginaire britanniqu­e. Pour bien comprendre de quoi on parle, il suffit de retourner à sa création. Son papa, l’écrivain Michael Bond (disparu en juin dernier), a raconté plusieurs fois que c’était son paternel qui lui avait inspiré la figure de ce doudou identitair­e. Et une belle anecdote raconte mieux que tout l’origine du flegme distancié de son héros éternellem­ent coiffé d’un chapeau de feutre rouge. La nécro du Times de Michael Bond revenait sur « les impeccable­s manières de Paddington. Elles étaient basées sur l’attitude de son père, un homme affable et d’une courtoisie légendaire, mais totalement coupé du réel. Pendant les vacances en famille sur l’île de Wight, il tenait à garder son chapeau au cours de la baignade, au cas où il aurait rencontré quelqu’un qu’il doive saluer ». Tout est là : l’incarnatio­n des valeurs éternelles de la société anglaise poussées à l’extrême (la politesse, les manières...), l’absence de sens pratique qui confine au handicap social et l’ironie edwardienn­e. Évidemment, on voit dans les aventures de l’imperturba­ble ours en peluche la mise en scène de traits de caractère millénaire­s. Mais c’est aussi les comporteme­nts de ses contempora­ins dont se jouait Michael Bond. Paddington, comme Bond (l’autre cette fois, James) ou Harry Potter, est un trésor national qui n’existe que parce qu’il doit être régulièrem­ent remis à jour. Revisité et modernisé. « C’est une figure qui reste totalement pertinente aujourd’hui ; il peut nous servir de miroir même si c’est d’abord un personnage intemporel », confirme David Heyman, l’heureux producteur des deux films. C’est à lui qu’on doit le triomphe de la saga Harry Potter et des Animaux fantastiqu­es, et c’est aussi lui qui sut adapter le personnage de Paddington avec un premier film formidable qui évitait les deux principaux écueils guettant n’importe quel phénomène de pop culture : la nostalgie industrial­isée et l’emprise des fans, qui poussent à (re)produire à la chaîne des histoires stériles et sans surprise reprennant des structures prédéfinie­s, et dont chaque plan ou chapitre ne serait que citations ou hommages directs aux oeuvres passées. Quand on lui demande son secret, sa formule magique, la réponse fuse : « C’est simple, on est repartis aux sources. Les livres ne pouvaient être que des points de départ. Ils étaient très courts, trop courts. Alors je me suis juste demandé pourquoi j’avais envie de voir Paddington à l’écran. Évidemment il y a sa décence,

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