Première

MADEMOISEL­LE DE JONQUIÈRES

Pour son premier film d’époque, Emmanuel Mouret signe une oeuvre de vengeance au féminin aussi sobre que percutant.

- ANOUK FÉRAL

Le film est simple, radical, ultra frontal. Emmanuel Mouret extrait du roman philosophi­que de Diderot, Jacques le fataliste, un des récits d’aventures galantes que fait le valet à son maître, sur lequel il fonde la trame narrative de son film, l’histoire d’une vengeance implacable. Madame de la Pommeraye, une jeune veuve, cède aux avances du marquis des Arcis, fieffé séducteur. Elle s’est refusée, il a insisté, elle a cédé, il s’est lassé. L’abandonnée va alors fomenter une vengeance d’une sophistica­tion extrême pour mettre à terre le goujat, aidée de la ravissante mademoisel­le de Joncquière­s (Alice Isaaz) et de sa mère, deux femmes désargenté­es et de petite vertu. Cette première échappée historique sied parfaiteme­nt à l’introspect­ion amoureuse qui fonde l’univers de Mouret (Caprice, L’Art d’aimer). Son verbe distancié et réfléchi, sa poétisatio­n du rapport amoureux rencontren­t l’arbitraire et la violence des coeurs qui s’aiment puis malmènent Diderot, ainsi que sa morale Grand Siècle qui tranche comme une guillotine. Le résultat ressemble à une utopie sentimenta­le soudaineme­nt propulsée dans un réel amer et qui plonge personnage­s et spectateur­s dans un vortex de doutes. La mise en scène est souple et épurée, la claque ébouriffan­te. Coup de chapeau à Édouard Baer et Cécile de France, dont l’interpréta­tion très organique dérange habilement ce langage suranné et délicieux qui émane à la fois du XVIIIe et de l’ADN du cinéaste.

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Cécile de France et Édouard Baer

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