DOVLATOV
1971, Leningrad. L’écrivain Dovlatov se débat entre la propagande imposée et ses désirs littéraires. Un film-dispositif ambitieux mais compassé.
Le cinéma littéraire, cet épouvantail décati contre lequel nous n’avons généralement plus besoin de lutter, a trouvé un allié de poids en la personne d’Alexey Guerman Jr. La particularité du réalisateur, outre son identité slave portée en étendard et sa prestigieuse ascendance (comme son nom l’indique, c’est le fils de son père), est de concevoir des plans-séquences et des mouvements d’appareil ultra sophistiqués pour filmer des conversations, réglant comme au théâtre chaque entrée, sortie et interaction de ses personnages dans un cadre millimétré (appartement, bureau, parc public, etc.). Ce qui nous faisait dire, à la sortie de Soldat de papier en 2010, que « le vrai problème de ce réalisateur de 34 ans, c’est qu’il paraît en avoir 1 000 ». Huit ans plus tard, ce goût du dispositif est mieux assumé que jamais, en phase avec un sujet littéralement littéraire : six jours dans la vie de l’écrivain Serguei Dovlatov, à une époque (le début des années 70) où l’art (occidental, notamment) était une denrée de contrebande et l’avant-garde tentait de résister au contrôle de l’État soviétique. Complétant la mise en scène, la photographie sépia, les costumes gris-taupe, les extérieurs embrumés, les aphorismes (« Il faut du courage pour n’être personne, et rester soi-même ») et le manichéisme satisfait (artistes courageux, populace veule) forment un objet verrouillé, tout entier voué à l’idéalisation d’un passé non vécu, où l’auteur ne cesse de signer sa présence. Un idéal de cinéma littéraire comme plus personne n’ose en faire, et dont on doit bien reconnaître la virtuosité, à défaut d’y adhérer.