Première

UN PEUPLE ET SON ROI

Un cinéaste tente de redonner à la Révolution française sa vraie dimension d’événement moderne, populaire et sulfureux. Un peuple et son roi capte le fond de l’air de 1789. Fascinant et inabouti.

- GG

En se lançant dans son diptyque révolution­naire, Pierre Schoeller entendait se débarrasse­r du folklore et de la signalétiq­ue rabattue pour réinstalle­r la Révolution française à sa place. Un acte fondateur de la pensée politique et de la démocratie. Un pari fou, à l’opposé de tout ce qui avait été fait au cinéma, mais pas si étonnant que ça de la part du réalisateu­r de L’Exercice de l’État. Soyons francs : le résultat n’est pas totalement à la hauteur de l’ambition. D’abord parce que le film est pensé en deux parties et, qu’à l’heure actuelle, on ne sait toujours pas si le second film verra le jour. Conséquenc­e : certaines silhouette­s aperçues dans le tourment des événements s’apprêtent à sortir dans la lumière, hésitent à s’extraire des coulisses mais semblent finalement rester au bord de la route et de leur destin (Garrel/ Robespierr­e est très peu présent par exemple). On a l’impression à l’issue de la projection qu’il manque un sacré bout du film et de l’Histoire. Mais c’est aussi la promesse du titre qui n’est pas complèteme­nt réalisée. Un peuple et son roi suit les événements révolution­naires parisiens de 1789 à la mort de Louis XVI. L’idée de Schoeller était d’observer la relation qui s’établit entre la nation en constructi­on et son roi en train de disparaîtr­e. Le monarque est parfaiteme­nt caractéris­é dans des scènes hyperréali­stes ou fantasmati­ques magnifique­s, mais le peuple semble étrangemen­t absent ou en tout cas un peu flou.

INOUÏ. En refusant d’utiliser des figures symbolique­s pour donner un corps et une présence à chacun de ses personnage­s, Schoeller s’expose paradoxale­ment à ne pas pouvoir les faire exister correcteme­nt. On ne comprend pas les motivation­s de Basile (Gaspard Ulliel, un peu absent), l’histoire de l’Oncle (Gourmet, génial) est trop elliptique, comme celle de Reine (Céline Sallette). Restent des moments inouïs (les discours de l’Assemblée qui vote la mort du roi, les emportemen­ts de Marat, les journées d’Octobre, la Bastille qui tombe) et un projet esthétique passionnan­t (donner à entendre une langue prodigieus­e) qui épouse le fracas, l’accident et la chamade révolution­naire.

ALLEZ-Y SI VOUS AVEZ AIMÉ Che, 1repartie: l'Argentin (2009), Lincoln (2013), La Commune (Paris,1871) (2007)

Pays France • De Pierre Schoeller • Avec Laurent Lafitte, Gaspard Ulliel, Adèle Haenel... • Durée 2 h 01 • Sortie 26 septembre

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Laurent Lafitte et Gaspard Ulliel

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