Première

Kevin Macdonald

Dans l’incroyable documentai­re Whitney, Kevin Macdonald dresse le portrait de l’icône pop des années 80. Évitant soigneusem­ent le sensationn­el et le mièvre, il apporte de nouveaux éléments au dossier. Rencontre.

- PAR BENJAMIN ROZOVAS & GAËL GOLHEN

PREMIÈRE : Whitney Houston est presque plus connue pour ses errances existentie­lles que pour sa musique. Ne craigniez-vous pas, avec ce film, de souscrire à la curiosité malsaine qui entoure une partie de sa vie ?

KEVIN MACDONALD :

Non seulement ça m’inquiétait, mais c’est ce qui m’a finalement décidé. Je voulais faire un film sérieux sur un sujet que les gens n’identifien­t pas comme tel. Comment isoler l’artiste et la personne sans me laisser guider par les sirènes des tabloïds ? Je suis allé de découverte en découverte. J’ai lancé les interviews et j’ai réalisé peu à peu que l’histoire révélait des considérat­ions sociales plus larges, que la place que tenait Whitney à l’époque posait certaines questions, étrangemen­t contempora­ines, de race, d’égalité homme femme, de sexualité, de harcèlemen­t, etc.

Ce film est une commande...

Oui. Je n’étais pas spécialeme­nt fan de Whitney Houston. Elle n’est pas cool, elle ne fait pas de la « vraie » musique black... Et quand l’un des producteur­s m’a approché, il y a deux ans, j’ai décliné l’offre. Plus tard, à Sundance, il m’a présenté l’ancien agent de Whitney, Nicole David. Elle m’a dit : « Je veux que vous fassiez ce film, j’ai été l’agent de Whitney pendant vingt-cinq ans, je l’aimais plus que n’importe quel autre de mes clients, et je n’ai jamais vraiment su qui elle était. » Les agents ne parlent jamais de leurs clients avec autant d’affection... Whitney Houston était une sorte de mystère, y compris pour ses proches. Et j’y ai vu une super detective story.

Cela fait deux documentai­res sur elle en l’espace de six mois ( Whitney : Can I Be Me de Nick Broomfield est tombé sur Netflix fin 2017), réalisés par les deux documentar­istes anglais les plus cotés... Pourquoi maintenant ?

Aucune idée. L’air du temps ? Ou peut-être que cela a à voir avec la nouvelle génération adolescent­e, qui redécouvre aujourd’hui ses chansons en totale déconnexio­n avec son histoire personnell­e. Je parlais à une amie institutri­ce qui me disait qu’en salle des profs, ses plus jeunes collègues de 20-25 ans mettaient toujours des tubes de Whitney Houston... En Angleterre et aux États-Unis, elle revient très fort.

Vous avez vu le film de Nick Broomfield ?

Non, je ne voulais pas. Par contre, je lui ai envoyé un petit mot pour lui dire qu’il y avait de la place pour deux. Ce n’est pas une compétitio­n.

C’est un doc un peu trash et mal fagoté, qui choisit de se focaliser sur la romance on/off entre Whitney et son assistante Robyn Crawford...

L’idée que ce serait le prisme par lequel se dévoile sa vie est un peu absurde. J’ai vu des documents attestant de la longueur de leur collaborat­ion, et elles n’ont été amantes que pendant deux ans, au début de sa carrière. J’ai échangé des mails avec Robyn, mais elle n’a pas voulu apparaître à l’écran.

Mais vous avez Bobby Brown (l’exrappeur bad boy, ex-mari de Whitney Houston), qui ne se montre pas très coopératif...

Un homme-enfant. Il a surtout cherché à se protéger et à protéger son ego. Pas un mot sur la drogue et la codépendan­ce malsaine qui les liait. Il a du mal à se retourner avec honnêteté sur son histoire avec Whitney. J’ai ressenti de la pitié pour lui. C’est un

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