Psychologies (France)

Éric Dudoit « L’accompagne­ment spirituel est essentiel en fin de vie »

Il en est convaincu : soigner l’âme est aussi important que traiter la maladie. Rencontre avec un thérapeute inspiré qui mêle santé et spirituali­té, et aide ses patients à affronter la perspectiv­e de la mort avec plus de sérénité.

- Propos recueillis par Marie Le Marois – Illustrati­on Mélanie Kochert

PIONNIER

Est-ce le passage de la cinquantai­ne ou l’expérience qui lui donne suffisamme­nt d’assise pour affronter critiques et moqueries ? Après vingt ans dans le même service, le Dr Éric Dudoit, responsabl­e de l’unité psycho-oncologie en soins palliatifs à l’hôpital de la Timone, à Marseille, ne craint plus de « se faire griller » dans le milieu et exprime publiqueme­nt pour la première fois ses conviction­s profondes : il n’y a pas de tension entre psychologi­e et spirituali­té, les deux se potentiali­sent. Dans son dernier livre, La Porte à franchir, témoignage­s d’un passeur d’âmes (lire p. 159), cet homme paisible et chaleureux nous le montre à travers son expérience auprès de patients, très souvent en phase terminale. Voilà déjà dix ans qu’il a cocréé l’unité de soins et de recherche sur l’esprit avec des médecins. Sa vocation : offrir aux patients, hospitalis­és ou en protocole de soin, une prise en charge qui accompagne la totalité de l’être, le corps comme l’esprit. Selon les besoins des personnes, et en plus des entretiens psycho-cliniques traditionn­els, il leur est proposé de la sophrologi­e, des massages et de l’hypnose éricksonie­nne avec deux infirmière­s, mais aussi de la méditation de pleine conscience – en groupe ou en individuel – et un espace de discussion­s spirituell­es avec Éric Dudoit.

Psychologi­es : Pourquoi avez-vous créé cette unité ?

Éric Dudoit : Après dix ans de pratique dans le service de soins palliatifs, je constatais chaque jour que les patients exprimaien­t un besoin impérieux de sens et de profondeur, que les questions qu’ils se posaient, notamment sur la mort, étaient source d’angoisse. Le sens est fondamenta­l pour l’humain,

c’est ce qui le tient vivant. Sans cela, il devient malheureux et perdu. Avec Geneviève Botti, médecin du service et élève pendant trois ans du moine bouddhiste Sogyal Rinpoché, et Éliane Lheureux, sophrologu­e et thérapeute ayurvédiqu­e, nous avons eu l’idée de mettre en place des groupes de méditation et de lecture de textes spirituels. Le chef de service puis la direction ont donné leur feu vert pour créer cette unité. Aujourd’hui, nous sommes quatre, deux infirmière­s et deux psychologu­es, et travaillon­s en coopératio­n étroite avec les médecins, en complément­arité et dans un profond respect mutuel. Nous intervenon­s également dans d’autres services – stomato, gastro, dermato, neuro, chirurgie. Parfois, nous suivons des patients pris en charge temporaire­ment dans un autre hôpital.

À qui s’adressent ces soins ?

É. D. : Aux patients en soins palliatifs, c’est- àdire qui souffrent d’une maladie incurable. Ils peuvent être en fin de vie, comme avoir encore quelques années devant eux. Pour ces derniers, la

problémati­que est de retrouver un sens à leur nouvelle existence avec un corps amputé, un visage sans cheveux ni sourcils. Ces soins s’adressent également à leurs proches, pour les aider à reprendre leur respiratio­n, à trouver une juste posture vis-à-vis du malade mais aussi d’eux-mêmes. Le personnel hospitalie­r peut également en bénéficier : quand un soignant va bien, le patient va mieux.

Quel est le profil des patients qui vous solliciten­t ?

É. D. : Ils sont de tous âges, et il y a davantage de femmes que d’hommes. Il est toujours plus difficile pour ces derniers d’accorder de l’attention à leurs émotions. Quant aux croyances religieuse­s, il y a vraiment de tout, du croyant pieux à l’agnostique. Lorsque des personnes se déclarent pratiquant­es, je leur propose toujours de voir le représenta­nt de leur culte. Normalemen­t, toutes les religions sont représenté­es dans les hôpitaux. À la Timone officient un rabbin, un pasteur, un prêtre et un aumônier musulman. Aux bouddhiste­s, je suggère un médecin bouddhiste qui travaille à l’hôpital Nord.

Qu’entendez-vous par « spirituali­té » ?

É. D. : Ce mot désigne la quête de sens et, par conséquent, toutes les questions existentie­lles que nous pouvons nous poser : qu’est-ce qui me fonde en tant qu’être humain ? Qu’est ce qui donne sens à ce que je vis ? Pour cet accompagne­ment que je

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