Psychologies (France)

On dit que… la gestalt, c’est taper sur des coussins

En gestalt, on hurle, on pleure à gros bouillons et on défonce des coussins. Bref, on exprime ses émotions de manière spectacula­ire. Quoi ? Comment ? Ça ne se passe pas comme ça ?

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LA MÉTHODE

Pas vraiment, non. Il est vrai que, dans les années 1960, le psychiatre et psychanaly­ste allemand Fritz Perls (créateur de la gestalt-thérapie avec sa femme, Laura) était connu pour ses démonstrat­ions spectacula­ires. Devant plusieurs centaines de personnes, il poussait le patient à exprimer sa rage ou sa joie dans une décharge cathartiqu­e. « Cela évoque le travail de Wilhelm Reich sur la libération des cuirasses émotionnel­les, qui est l’une de nos racines, mais ce n’est pas de la gestalt », souligne Claudia Gaulé, gestalt-thérapeute et formatrice. D’abord parce que cette méthode n’est pas centrée sur les émotions. C’est une thérapie holistique (de holos, « entier » en grec). Elle prend en compte l’émotion comme une façon d’être au monde, au même titre que les capacités cognitives, affectives, sensoriell­es… Ensuite parce que, plutôt que de vouloir à tout prix libérer le patient (de ses tensions, de sa colère…), le gestaltist­e le rejoint là où il est, avec curiosité. Il s’intéresse à la forme ( gestalt en allemand) que prend le contact pour la personne. Comment fait- elle pour « ne pas » exprimer sa colère : est-ce qu’elle ne la sent pas ? la met de côté ? la contient ? « Nous validons ce qui est. Car la personne existe entièremen­t dans cette façon d’être, mais aussi parce qu’elle a sûrement d’excellente­s raisons de faire ainsi, liées à son histoire, son expérience », ajoute Claudia Gaulé.

De la même manière, les expériment­ations s’élaborent lentement, avec le patient et sans idée préconçue. « S’il y a une tension, nous pouvons proposer de l’amplifier un petit peu pour qu’il puisse en être plus conscient », explique la thérapeute. Jusqu’à trouver « l’expérience la plus proche de ce qu’il sent et de ses possibilit­és. Si cette tension se fait bouillonne­ment, voudrait-il me montrer comment son bras bouillonne, dessiner le bouillonne­ment ou, pourquoi pas, me le chanter ? Et peut- être allonsnous découvrir ensemble que ce que j’imaginais être de la colère est en fait un mouvement de vie. Je ne peux pas savoir à l’avance », précise-t-elle. D’où l’importance d’éviter les grandes amplificat­ions (comme se mettre à taper sur des coussins) dans lesquelles le client ne se reconnaît pas et dont il ne retient rien, en dehors du soulagemen­t de s’être défoulé. « Certes, avancer pas à pas dans le déploiemen­t de l’être au monde, cela prend du temps, admet Claudia Gaulé. Mais c’est du solide, et c’est par ces toutes petites prises de conscience que l’on gravit les montagnes. » Rens. : gestalt-therapie.org et acorpsdens­e.fr (formation sur les processus corporels en gestalt).

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