Psychologies (France)

“Ce qui aide un malade, c’est d’entendre qu’on va s’occuper de lui”

Maurice, 60 ans, médecin généralist­e

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« Dans ma relation aux patients, j’essaie toujours d’appliquer cet axiome que l’on attribue à Hippocrate : “Guérir parfois, soulager souvent, réconforte­r toujours.” Cette dimension du réconfort passe trop souvent à la trappe dans une médecine de plus en plus technicien­ne. Comment annoncer un cancer sans casser l’élan de vie d’un patient ? Comment signaler une anomalie de la grossesse sans mettre en péril, en attendant les résultats d’analyse, le lien de la mère avec l’enfant qu’elle porte ? Tous ces moments sont délicats et requièrent beaucoup d’humanité. Le pire, pour moi, reste l’annonce de la maladie grave d’un enfant. Plus je vieillis, plus cette injustice m’est insupporta­ble. Je ne suis pas seulement un profession­nel, je suis aussi un père. Ce que je crois, c’est que l’on doit dire aux patients tout ce qu’ils ont besoin de savoir. Si l’on commence à esquiver, ils le sentent et l’alliance thérapeuti­que est rompue. Mais il faut aussi, dans tout ce que l’on dit, maintenir une dose d’espoir qui correspond­e à la réalité de ce que l’on peut espérer à chaque évolution de la maladie. Je pense que ce qui aide un malade, ce n’est pas d’entendre parler de la maladie en général, mais d’entendre qu’on va s’occuper de lui. Moi, je touche beaucoup mes patients, je leur prends la main, je leur tiens l’épaule et j’explique : “Ici, nous avons une tumeur. Je vais tout vous expliquer, mes confrères vont aussi venir vous voir. On va se battre, et on a beaucoup plus de chances de réussir que de perdre.” Certains médecins se protègent de la charge émotionnel­le en brandissan­t des formulaire­s médico-légaux : “On va vous faire ça, vous courez tels risques, signez ici…” Quand je suis abattu, j’éprouve le besoin de me recueillir et de me rappeler que nous sommes avant tout des humains qui s’occupent d’autres humains. »

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