Surfez sur la vague végane
Dans notre quête de cosmétiques éthiques, la prise en compte de la souffrance animale prend de l’importance, et influe même sur la fabrication des soins.
Je suis passée au tout végane pour mes cosmétiques dans la continuité de ma “conversion”, confie Lucille, 42 ans. J’ai une peau fragile à tendance allergique et j’ai constaté une nette amélioration de son état en supprimant les ingrédients d’origine animale. » Depuis les vidéos chocs de l’association L214, qui montraient les coulisses d’un abattoir bio, et la prise de conscience concernant la souffrance animale, nous sommes de plus en plus nombreux à rechercher des cosmétiques engagés et respectueux. Être végane, comme environ 1 % de la population française1 (qui compte déjà 3 % de végétariens), c’est refuser toute utilisation du monde animal pour se nourrir, se vêtir, se soigner ou se maquiller : ni produits laitiers, ni oeufs, ni laine, ni cuir, ni même miel…
De plus en plus de marques modifient leurs formules…
Ce mouvement, né en Allemagne il y a quelques années, se répand comme une traînée de poudre et touche également les plus jeunes, notamment grâce à la tatoueuse Kate Von D, dont la marque du même nom et 100 % végane est désormais commercialisée chez Sephora. Les omnivores se préoccupant, eux aussi, de plus en plus des produits qu’ils appliquent sur leur peau, un nombre croissant de marques se sont mises à modifier leurs formules. Chez The Body Shop ou Lush, qui ne pratiquaient déjà plus de tests sur les animaux, la cire d’abeille a cédé la place
“Les femmes passent au végane pour contrôler les ingrédients, et parce qu’elles sont plus allergiques qu’avant” Christophe-Nicolas Biot, coloriste
à différents mélanges de cires végétales. À la lanoline, une graisse animale utilisée pour son fort pouvoir émollient, s’est substituée la « véganoline » d’origine végétale. Quant à l’acide hyaluronique, autrefois extrait des crêtes de coqs, il est aujourd’hui obtenu grâce à un processus de fermentation bactérienne.
… et l’effort paye !
Urban Decay signale depuis peu certaines de ses formules végétaliennes, une information largement reprise sur la Toile par les « influenceuses », et qui contribue à l’image très positive de cette marque de maquillage sur les réseaux sociaux. Or, la consommatrice végane, bien informée, est particulièrement connectée. CQFD. Depuis deux semaines, Mélanie, 26 ans, vendeuse en parfumerie, souffre de démangeaisons sur les paupières, des plaques rouges sont même apparues sur ses pommettes. Elle s’est finalement décidée à consulter un spécialiste. « J’étais persuadée que mon dermato allait incriminer un fard à paupières ou un nouveau mascara, raconte la jeune femme. Contre toute attente, ce sont mes ongles qui l’ont intéressé. Et il a rapidement diagnostiqué une allergie à… mon vernis ! »
Les vernis non toxiques ont-ils de la tenue ?
Rien d’étonnant à cela, si l’on en croit Hervé Brunet, dermatologue, qui explique que « nos mains sont en contact avec nos yeux plus de deux cents fois par jour. Or, la toxicité de certains ingrédients entrant dans la formulation de la plupart des vernis n’est plus à démontrer ». La solution ? En choisir un à l’eau, comme ceux de Scotch Naturals ou d’AromaZone. Mais si leurs formules non toxiques habillent joliment les ongles d’un glacis façon sirop, ces laques sont visuellement
moins couvrantes et tiennent moins longtemps que leurs cousines chimiques. L’odeur irrespirable en moins. Côté vernis, c’est donc encore compliqué de combiner exigences éthiques et esthétiques.
Idéalement, nos laques ne devraient contenir ni dibutyl phtalate (utilisé pour donner sa souplesse au vernis et l’empêcher de craqueler, et fortement suspecté d’être un perturbateur endocrinien), ni toluène (un neurotoxique), ni formaldéhyde ( potentiellement cancérigène). D’autant plus qu’il est possible d’éviter les abus de la chimie et les tests sur les animaux, comme le professe Christian David, cofondateur de la marque de vernis green Kure Bazaar, qui revendique 85 % d’ingrédients végétaux. « Nous avons remplacé le solvant, généralement issu de la pétrochimie mais indispensable pour lier les composants de la laque, par une distillation végétale », explique celui qui a aussi créé les parfums bio Honoré des prés. Une philosophie partagée par les marques anglo-saxonnes Habit ou NCLA, les français Boho et les italiens Alessandro, dont les produits de bonne tenue ne contiennent aucune substance animale ni composant toxique. Les colorations ont déjà la fibre écolo À base de café, de curcuma, de thé ou de henné, la coloration végétale est issue d’un mélange d’eau chaude et de pigments naturels. Elle ne pénètre pas la fibre : elle la gaine et laisse transparaître la teinte d’origine. Mais cette technique « pâtit encore d’une mauvaise réputation, déplore Romain Colors, qui vient d’ouvrir un salon confidentiel et 100 % végane à Paris2. Les nou- velles clientes ont toujours peur que la coloration ne dure pas, que la pose soit longue et compliquée et, surtout, qu’elle ne couvre pas les cheveux blancs ». Une idée reçue, car les pigments comblent les brèches et lustrent la fibre en profondeur, cachant jusqu’à 80 % des cheveux blancs.
Le végétal, c’est aussi le credo du coloriste Christophe-Nicolas Biot3 : « Les femmes passent au végane pour contrôler les ingrédients et éliminer les formules contenant métaux lourds ou perturbateurs endocriniens. Et aussi parce qu’elles sont plus allergiques qu’avant. » En prime, une fibre qui gagne en épaisseur, une matière plus abondante, une couleur plus brillante et des cheveux en meilleure forme. Il fait bon avoir la fibre écolo ! 1. Source : Association végétarienne de France. 2. Romain Colors, 8, rue de l’Arcade, 75008 Paris. T. : 01 40 07 01 58. 3. L’Atelier BioT, 51, galerie Vivienne, 75002 Paris. T. : 01 40 28 09 50.