3 SE DÉSENCOMBRER
C’est notamment la leçon des philosophies orientales. « Le message du bouddha dans ses “Quatre nobles vérités” est de dire : tout est souffrance, mais le chemin pour en sortir est de ne pas s’identifier aux choses, souligne Xavier Verougstraete. La joie est une ouverture qui dépasse l’identification. Il y a même une joie de se désencombrer de soi-même. Nous sommes souvent encombrés par des pensées sur nous-mêmes, des jugements, notre histoire… Des fardeaux qu’on peut lâcher au cours du chemin. L’approche bouddhiste invite à s’alléger de sa propre lourdeur. De s’ouvrir à l’impermanence, au vide – considéré comme une source –, au réel tel qu’il est, sous toutes ses facettes. Cela peut passer par la méditation, la pratique du reiki… ou la psychanalyse : tout ce qui permet de se débarrasser de mémoires enfouies toujours agissantes, de structures anciennes parfois limitatives. »
Et de « gérer » notamment nos peurs qui, forcément, opacifient le paysage et nous rendent hermétiques à ce qui nous entoure. La joie implique d’être poreux au monde.
« Pour être apte à la joie, il faut être capable d’affronter ses peurs, ne pas les laisser nous faire du chantage, souligne Ilaria Gaspari. C’est l’un des fondements de la philosophie d’Épicure1 . Il a construit son système de pensée dans un moment de crise de la Grèce ancienne qui ressemble beaucoup à notre époque : un temps de passage où l’idée du futur est compromise par la perte de références. Épicure avait inventé une “médecine” en quatre parties, pour montrer qu’on peut démonter les peurs, les réduire en morceaux par le raisonnement : les déconstruire pour les rendre moins puissantes et les affronter ensuite pièce après pièce. Préalable nécessaire pour éprouver une joie, pour lui de l’ordre de la béatitude. »