6 ÉCOUTER OU JOUER DE LA MUSIQUE
Vladimir Jankélévitch expliquait qu’il ne se mettait pas au piano pour « se délasser », même si cela peut effectivement détendre. La musique, aux yeux du philosophe, se situe bien au-delà du domaine du plaisir. « Quelque part dans l’inachevé1 », dans cet impalpable, insaisissable, ineffable où se situe aussi la joie.
« La musique a un impact jusqu’au niveau cellulaire », rappelle Xavier Verougstraete. Par essence vibratoire, elle agit au plus profond de nous, apportant l’harmonie au sens le plus mathématique du terme.
Loin d’une simple distraction, elle permet de « sourire à nouveau », écrit Jankélévitch, de conduire à la « béatitude », nous « ravissant », nous « transportant », nous ouvrant en nous à plus grand que nous. « Sans la musique, la vie serait une erreur », estimait Nietzsche. Pour le philosophe, cette « jubilation », l’une des plus intenses « jouissances vitales », ouvre la voie à l’approbation au monde.
Arthur Schopenhauer, sans doute le plus musicien des philosophes (ou l’inverse) voyait, lui, dans la musique tout le « paradoxe de la joie », la « quintessence de la réalité », un « éternel présent ».
Autant dire que si l’expérience du beau est sans doute l’une des consolations les plus efficaces pour un coeur triste 2 , la musique a toujours été, aux yeux des philosophes, parmi tous les arts, la voie royale vers la joie.
« En chinois, souligne Cyrille Javary, le même idéogramme, selon comment on le prononce, signifie “joie” ou “musique”. Il représente un instrument de l’Antiquité chinoise : des chevrons de jade dans un cadre de bois, sur lesquels on frappait avec un maillet. Chaque fois qu’un nouvel empereur arrivait au pouvoir, il se servait de ce “lithophone” pour étalonner tous les poids et mesures du pays… Cela illustre l’importance, pour les Chinois, dans la notion de joie, des notions d’invisible et d’harmonisation. La joie implique la musicalité : il faut que ça résonne bien 3. »