Bienvenue chez les psys
Comment nommer l’antre du psychanalyste ? Cabinet, bureau, divan ? Comment capter l’énigme de cet « espace-temps » (Évelyne Chauvet), restituer des bribes de ce « faux désordre » où surnagent des piles de livres, des coussins, des tableaux ? Le clinicien Michel Gad Wolkowicz a ouvert son carnet d’adresses au photographe Shlomo Israël afin qu’il puisse immortaliser le cabinet de seize psychanalystes, la plupart parisiens (Julia Kristeva, JeanPierre Winter, Danièle Brun, Dominique Suchet, Eva Weil, etc.), et archiver la part la plus visible de la cure. Des bibliothèques, une banquette, une lumière, une atmosphère de cocon ou d’étrangeté : on guette les détails et les symboles sans sombrer pour autant dans le fétichisme ou le voyeurisme décoratif.
Les analystes ont été priés d’écrire un texte sur leur espace de travail, comme un avertissement, un seuil préalable à la visite de leurs salons privés. À tour de rôle, ils évoquent les échos entre l’intérieur et l’intériorité, le caractère fantasmatique, rassurant ou intimidant de la pièce où ils officient, son rôle dans la cure analytique. « Lieu porte-empreinte », résume joliment Wolkowicz. « Lieux d’une ruse », écrivait Perec. Formé aux Gobelins et aux Arts décoratifs, Shlomo Israël a trouvé la juste distance pour photographier cette « hallucinante présence-absence », ces appartements coquets, cultivés, où l’on débusque presque à chaque fois un portrait de Freud au milieu d’une profusion d’oeuvres d’art. Quelque chose transcende le visible, convoque puissamment les imaginaires. On se croirait parfois dans le bureau du surréaliste André Breton ou dans l’atelier du peintre Gérard Garouste, lequel clôt en postface ce bel hommage, aussi pictural que cérébral, à des espaces clos où la parole s’affranchit.