Du sable entre les pages
Il est revenu, le temps du farniente et de la lecture. De Roland Gori à Metin Arditi, de Marcel Conche à Russell Banks, voici notre sélection pour bronzer heureux et intelligent… sans oublier quelques bons polars !
Pour se mettre à nu
Sexothérapies d’Elsa Fayner L’auteure, journaliste, a suivi le travail d’une sexologue
pendant plus d’un an. Voici huit parcours, huit patients aux profils très différents : moniteur d’auto-école, infirmière, scénariste, policier, P-DG… Au fil de ces histoires, Elsa Fayner lève le voile sur nos blocages, nos fantasmes, nos infidélités, et nous aide à « prendre le temps de renouer avec nos désirs, nos plaisirs, et à choisir d’y accéder ou non ». Elsa Godart Seuil, 240 p., 18 €.
Pour se réconcilier
Mon père sur mes épaules de Metin Arditi Quel beau titre, tout droit sorti de L’Énéide ! Mais si Metin Arditi porte son père, c’est pour tenter de retrouver, vingt ans après sa mort, cet homme qui mit son fils en pension dès ses 7 ans. Un père auquel il pensait avoir pardonné. Pourtant, la colère est toujours là. C’est à un voyage au pays paternel que nous convie l’auteur, passant par les étapes amour, rage, tendresse, pour déboucher, enfin, sur le pardon. Un livre à serrer sur son coeur. Christilla Pellé-Douël Grasset, 160 p., 15 €.
Pour s’envoler
La Vie spirituelle de Laurence Nobécourt « C’est une chose de savoir que la vie est divine, c’en est une autre d’en avoir la preuve. L’existence de Yazuki en est la preuve. » Car Laurence Nobécourt, qui avait créé de toutes pièces le poète Yazuki, a découvert, ravie, à l’occasion d’un voyage au Japon, qu’il vit bel et bien ! « Il existe une réalité plus vaste que celle dans laquelle nous vivons, dont la littérature, seule, a pouvoir de nous faire souvenir sans défaillir. » Un texte habité. C.P.-D. Grasset, 160 p., 14,90 €.
Pour se mettre au vert
Le Coeur sauvage de Robin MacArthur ROMAN Avoir grandi dans le Vermont, loin de toute ville dite civilisée, entre forêts profondes et champs cramés par le soleil d’été, s’être baigné dans des lacs aux eaux profondes et boueuses, ça vous forge de sacrées personnalités… Comme celles de Joan, hippie installée à Vicksburg, et de sa fille Hannah, qui se retrouvent au son des Sex Pistols dans une sarabande joyeuse et enivrée. On les croise, elles et bien d’autres, dans ce recueil de nouvelles, cousines de celles d’Annie Proulx, l’auteure de Brokeback Mountain (Grasset). Christine Sallès Albin Michel, 224 p., 19 €.
Pour cavaler
L’homme qui s’envola d’Antoine Bello ROMAN Si les vacances vous donnent des envies d’échappées définitives,
lisez ce roman. Walker, le héros, est un jeune entrepreneur qui va bien. Argent, femme, tout baigne. Mais il en a marre. Alors il quitte tout. Sauf que… difficile de disparaître. Un détective privé s’empare de l’affaire et le trace. Sur cette trame classique, la cavale à travers les grands espaces américains (on pense à Lolita de Nabokov et à la fuite de Humbert Humbert accompagné de la jeune héroïne), le romancier livre un roadbook de la liberté, le grand voyage vers soi-même. C.P.-D. Gallimard, 318 p., 20 €.
L’Âge de la régression
sous la direction de Heinrich Geiselberger Analysant la manière dont les médias et la société ont réagi aux attentats de Paris et à l’accueil des migrants en Allemagne, la quinzaine de penseurs qui contribuent à ce livre (Slavoj Žižek, Zygmunt Bauman ou encore Eva Illouz) constatent : « Le monde, brutalement, laissait tomber des valeurs et des critères normatifs […] jadis arrachés de haute lutte. » Montée des partis nationalistes ( FN), démagogie ( Donald Trump), vague raciste, ère de la « post-vérité… Nous assistons à un inquiétant retour en arrière, une grande régression ». Comment ? Pourquoi ? C’est ce que ce livre (traduit en treize langues) met au jour. E.G. Premier Parallèle, 328 p., 22 €.
Manifeste des oeuvriers de Roland Gori, Bernard Lubat et Charles Silvestre
Roland Gori, psychanalyste, s’est associé à Bernard Lubat, musicien de jazz, et à Charles Silvestre, journaliste, pour repenser notre rapport avec les activités de production et de création. « Un monde dés-oeuvré est un monde sans avenir. » « L’oeuvrier » est celui « qui, aujourd’hui, au travail, dans son activité, dans sa vie, est disposé à faire oeuvre » – quel que soit le domaine –, à agir avec art, création, imagination… « OEuvriers, debout ! » E.G. Actes Sud, 74 p., 9,50 €.
Fragments recomposés d’Héraclite, traduit et présenté par Marcel Conche
Proposer une nouvelle traduction des Fragments d’Héraclite ( Ve siècle avant J.-C.) est toujours un événement. Le philosophe Marcel Conche entame un véritable dialogue avec le penseur grec. Voici, par exemple, l’une de ses célèbres phrases : « On ne peut entrer deux fois dans le même fleuve. » L’explication : à tout instant, le fleuve se modifie. Mais Marcel Conche raconte comment il a expérimenté cette pensée au bord de la Dordogne ! Nous (re)découvrons Héraclite, tout en nous délectant d’un pur moment de métaphysique ludique ! E.G. PUF, 160 p., 19 €.