Sommes-nous tous guérisseurs ?
Sans être chaman sibérien, “chirurgien psychique” brésilien ou barreur de feu languedocien, nous aurions tous, à des degrés divers, des dons de guérison. Quelles sont les clés pour éveiller ce potentiel ?
“Ma main, c’est mon radar ! Je ressens les endroits où aller et je travaille avec les énergies subtiles », confie Valérie Poisson. Ingénieure du son, elle a ouvert son cabinet de magnétiseuse à Paris, il y a un an ( lire son témoignage ci-dessous). Si certains guérisseurs ont hérité de dons précoces, transmis de génération en génération, un nombre croissant de personnes s’initient à ces pratiques alternatives. Souvent à l’aune de chocs de vie ou d’expériences spirituelles fortes.
Un pouvoir à portée de main ?
Tout le monde peut-il donc devenir guérisseur ? « Oui et non ! » s’exclame Jan Janssen, qui propose des formations où il initie entre autres au pouvoir thérapeutique des mains1 : « Nous pouvons tous peindre, mais sommes-nous tous peintres ? [Rires] On ne développe pas les mêmes dons, ni le même talent. Cependant, oui, nous sommes tous guérisseurs à un certain niveau. Nous mettons ce don en pratique sans même nous en rendre compte : lorsque nous nous faisons mal, nous allons instinctivement frotter la zone douloureuse avec la main. Une énergie curative accompagne naturellement ce geste bienveillant de soin. »
« Il y a en vous du magnétisme, parce que le magnétisme n’est rien d’autre que l’énergie vitale que les Indiens appellent
prana, les Chinois chi, les Japonais ki. C’est la force même qui vous maintient en vie et maintient en vie tout ce qui est vivant », démystifie Jean-Luc Caradeau, dans son Nouveau Manuel pratique du guérisseur (Éditions Trajectoire). Le tout serait, selon lui, d’en prendre conscience pour éveiller le magnétiseur en soi… Mais quel est ce fluide réparateur que les guérisseurs, magnétiseurs en tête, disent transmettre ? « Des études indiquent que le concept d’énergie est une réalité physiologique, biochimique et électronique ; un support de l’information qui organise la matière vivante », précise le psychothérapeute et ancien chirurgien Thierry Janssen, dont l’ouvrage La Solution inté
rieure (Pocket), appelant à une médecine intégrative, évoquait ce sujet. « Certains chercheurs pensent que les champs électromagnétiques émis par le corps permettent une communication subtile et invisible entre les individus, soulignet-il. Toute personne serait donc capable d’exercer la guérison énergétique, à condition de développer assez de sensibilité pour interagir avec les champs énergétiques des patients. » Point de miracle, donc ! « Je n’ai pas de pouvoir surnaturel, témoigne Jean-Luc Bartoli2, magnétiseur réputé. Simplement une possibilité qui m’est offerte d’être en position de transférer, de la manière la plus humble possible, de l’énergie aux personnes qui rencontrent des pathologies diverses, non pas pour les guérir, mais pour les aider à se guérir et à déclencher chez eux un processus d’autoguérison. »
Un état de conscience élargie
Il est indéniable que notre corps possède des forces régénératrices étonnantes, une sorte de médecin intérieur que le guérisseur viendrait « réveiller ». « Il aide la personne à trouver la clé en soi », précise Valérie Poisson. Selon le psychiatre Patrick Lemoine, son efficacité pourrait notamment s’expliquer par la suggestion d’un fort effet placebo – une capacité à déclencher, chez le malade, ces mécanismes d’autoguérison. Un aspect renforcé par le lien particulier – central même – entre soignant et soigné, une écoute spécifique à même de générer des émotions positives, dont la science nous démontre les effets bénéfiques sur le corps et l’esprit ( la réponse de relaxation qui stimule l’immunité, notamment). « Pour le guérisseur, il s’agit de se mettre dans un état de conscience élargie où, par sa qualité de présence, il va permettre à l’autre d’enclencher les ressources et le processus de guérison
qu’il a en lui », relève Thierry Janssen, qui a créé l’École de la présence thérapeutique3. Le guérisseur est donc avant tout un facilitateur. « Le magnétiseur est un capteur, un receveur, un émetteur. Ce n’est pas son énergie qu’il donne, sinon il s’épuiserait », signale Dominique Vallée, qui exerce ce métier et qui relève que nombre d’apprentis guérisseurs ignorent cela, mettant leur santé (et celle des autres) en danger.
Une transmission initiatique
Même dans le cas d’un don « spontané », et a fortiori pour ceux qui voudraient déployer leurs capacités de guérisseur potentiel, il est utile d’apprendre à canaliser l’énergie. « La clé est l’initiation », précise Jan Janssen. Il sait de quoi il parle : suite à des expériences de transe spontanée, cet ingénieur a ressenti la nécessité d’apprendre à la maîtriser pour, dit-il, « se protéger et la transmettre de façon éthique, bienveillante et curative ». L’énergie suit l’intention : il est donc essentiel que celle-ci soit juste !
Jan Janssen a ouvert sa propre formation après voir suivi celle de Barbara Ann Brennan et avoir enseigné durant neuf ans dans son école4. Cette transmission initiatique existe dans toutes les traditions de guérison. « Dans les cultures où les guérisseurs ont un rôle, ils traversent une série d’initiations qui les mettent en contact avec ce qui est chaotique en eux, pour aller au-delà des peurs et affaiblir l’ego », souligne Thierry Janssen. Ils s’en remettent donc à quelque chose de plus grand qu’eux, permettant à la vie, par ce lâcher-prise, de manifester ce qui doit, ce qui peut, se manifester. « Cette vie qui ne demande qu’à se réorganiser pour retrouver un nouvel équilibre, synonyme de guérison », spécifie-t-il.
Dans cet au- delà de l’ego, le guérisseur ne doit donc pas avoir d’attentes sur le résultat, ni laisser le mental prendre le dessus, sous peine de nuire à l’efficacité du soin. L’occasion de rappeler que « la maladie est une tentative de l’organisme de retrouver un équilibre dans une situation perturbée », dixit le philosophe et médecin Georges Canguilhem dans Le
Normal et le pathologique (PUF). « Les techniques énergétiques sont des supports pour focaliser une intention, une attention, mais ce n’est pas le dispositif utilisé qui est le plus important, poursuit Thierry Janssen. Le guérisseur est une caisse de résonance : il résonne avec la problématique de l’individu en face de lui, laissant émerger le réalignement que la vie demande à faire. Il connecte le patient au vide créateur, ce vide quantique rempli de tous les possibles, dans lequel les choses peuvent se redéfinir. »
Un ego à sa place
En définitive, quelles sont les qualités d’un bon guérisseur énergéticien ? Réponse unanime : centré et ouvert, il doit connaître ses limites et la juste place de son ego – il n’est qu’un instrument qui canalise l’énergie universelle, stimulant l’autoguérison naturelle. Humble, il ne donne pas de faux espoirs… tout en stimulant les ressources de confiance intérieure de la personne.
Laissons le mot de la fin à l’oncologue Clare Munday5, dont la pratique allie médecine « pure et dure » et soins alternatifs : « Médecin ou guérisseur, l’écueil est le même : il s’agit de l’ego. Plutôt que de renvoyer dos à dos les approches conventionnelles et alternatives, il faut avoir l’humilité de reconnaître que la guérison est un phénomène complexe. D’où l’importance de tricoter les choses ensemble, en complémentarité ! » 1. Jan Janssen propose une formation d’énergéticien, Énergies subtiles. Rens. : energiessubtiles.be. 2. Jean-Luc Bartoli, cité dans Le Mystère des
guérisseurs d’Audrey Mouge ( La Martinière). 3. Rens. : edlpt.com. 4. Barbara Brennan School of Healing. Rens. : barbarabrennan.com. Formation suivie aussi par Thierry Janssen, qui n’a aucun lien de parenté avec Jan Janssen ! 5. Clare Munday a créé en 2015, en Suisse, un centre de soins intégratifs où médecins et praticiens alternatifs oeuvraient en complémentarité. Il est aujourd’hui fermé.
À LIRE Le Mystère des guérisseurs d’Audrey Mouge ( La Martinière). Le Pouvoir bénéfique des mains de Barbara Ann Brennan ( Tchou). À mains nues, soigner et guérir de Jean-Paul Moureau (Seuil).