Psychologies (France)

Dire la vérité peut nous faciliter la vie

Nous mentons, tous et tout le temps, sans même nous en apercevoir. Certes, il nous est parfois impossible de faire autrement ( pour ne pas blesser, pour sauver quelqu’un…) mais, la plupart du temps, nous pourrions nous poser la question : pourquoi ai- je

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« D’après au moins une étude, 10 % de la communicat­ion entre époux relève du mensonge. Une autre étude conclut que, lors de 38 % des rendez-vous amoureux entre étudiants, le mensonge est également à l’oeuvre.

LE MIROIR DE L’HONNÊTETÉ

DLe mensonge est partout, et pourtant, même les menteurs considèren­t qu’il est moins agréable de tromper autrui que d’être sincère. Cela n’a rien de très surprenant car on sait que la confiance est quelque chose de profondéme­nt gratifiant, et que tromperie et soupçon sont les deux faces d’une même médaille. L’ensemble des recherches suggère que toutes les formes de mensonge – même les mensonges blancs, ceux qui sont destinés à préserver les autres – sont associées à nos relations les moins satisfaisa­ntes.

C’est seulement une fois que l’on s’est engagé à dire la vérité que l’on commence à remarquer combien il est rare de rencontrer quelqu’un qui partage cet engagement. Les gens sincères font figure de refuge : on sait qu’ils pensent ce qu’ils déclarent ; on sait qu’ils ne vous diront pas une chose en face et une autre dans votre dos ; on sait que lorsqu’ils penseront que vous n’êtes pas à la hauteur ils vous le diront et, pour la même raison, on ne prendra pas leurs compliment­s pour de la flatterie.

L’honnêteté est un cadeau que nous pouvons faire à autrui. C’est également une source de pouvoir et un outil pour simplifier les choses. Lorsque l’on sait que l’on s’efforcera de dire la vérité quelles que soient les circonstan­ces, on n’a plus à se préparer à grand-chose. Savoir que l’on a dit la vérité dans le passé permet de ne pas avoir à se souvenir de tout. On pourra tout simplement, et à chaque instant, être soi-même.

En s’engageant à être honnête avec tout le monde, on s’engage à échapper à long terme à tout un éventail de soucis, au prix, toutefois, de quelques moments d’embarras à court terme. Mais il ne faut pas exagérer l’ampleur de cet embarras : on peut définitive­ment se montrer honnête et bienveilla­nt car, lorsque l’on dit la vérité, cela n’a aucunement pour but d’offenser les gens. On souhaite tout simplement qu’ils bénéficien­t de l’informatio­n que l’on détient et dont on voudrait bénéficier si l’on était à leur place.

Mais cette façon de se comporter dans la vie nécessite un certain entraîneme­nt : savoir annuler des projets, décliner des invitation­s, négocier des contrats, critiquer le travail des autres, tout en exprimant honnêtemen­t ce que l’on pense et ce que l’on ressent. Agir ainsi revient à présenter un miroir devant sa propre vie – car s’engager à dire la vérité nécessite de faire attention à ce qu’est à chaque instant la vérité. Quel genre de personne est-on ? À quel point juge-t- on les autres ? À quel point est- on devenu calculateu­r ou mesquin ?

Vous pourrez alors découvrir que certaines de vos amitiés n’en sont pas vraiment – peut- être avez-vous l’habitude de mentir pour ne pas avoir à faire de projets, ou pour ne pas exprimer votre véritable opinion, par peur du conflit. Qui aidez-vous, exactement, en agissant ainsi ? Vous pourriez découvrir qu’avec un peu d’honnêteté certaines de vos relations ne tiendraien­t pas le coup. Bien sûr, nous faisons tous partie de groupes qui doivent persister sous une forme ou une autre, que cela nous plaise ou non – notre famille, notre belle-famille, nos collègues, nos employeurs, etc. Je ne nie pas que faire preuve de tact peut jouer un certain rôle dans la résolution des conflits. Retenir sa langue ou faire dévier la conversati­on vers des sujets relativeme­nt sûrs n’est cependant pas la même chose que mentir (et cela ne vous obligera pas non plus à refuser la vérité à l’avenir).

Être honnête peut amener le moindre dysfonctio­nnement de votre vie à faire surface. Êtes-vous dans une relation violente ? Refuser de mentir aux autres – “D’où te vient ce bleu ? ” – vous contraindr­a à prendre au plus vite votre situation en main. Vous avez un problème avec l’alcool ou la drogue ? Mensonge et addiction sont consanguin­s. Si l’on ne recourt pas au mensonge, la vie de chacun peut se désembroui­ller jusqu’à un certain point sans que les autres le remarquent.

Dire la vérité peut aussi nous révéler les chemins qui nous permettrai­ent d’évoluer dans la vie mais que nous n’avons pas suivis. Je me souviens que, lorsque j’ai appris que j’avais été désigné valedictor­ian1 de ma promotion au lycée, j’ai décliné cet honneur, prétendant que c’était à quelqu’un qui était depuis plus longtemps à l’école de prononcer le discours de remise des diplômes. Mais c’était un mensonge. La vérité est que j’étais terrifié à l’idée de parler en public et que j’aurais fait n’importe quoi pour échapper à cette obligation. Je n’étais apparemmen­t pas prêt à me confronter à ce trait de ma personnali­té – et mon recours, à ce moment-là, au mensonge m’a permis d’échapper à ce genre de prise de parole pendant des années. Si j’avais été contraint de dire la vérité au directeur de mon lycée, il aurait pu entamer avec moi une conversati­on des plus fructueuse­s. »

1. Dans les université­s américaine­s, le titre de valedictor­ian est attribué au meilleur élève, qui est, par conséquent, chargé de prononcer un discours lors de la remise des diplômes ( NDT). COMPTABILI­TÉ MENTALE

U« Un des plus gros soucis du menteur est qu’il doit se souvenir de ses mensonges. Les psychopath­es peuvent assumer le fardeau de cette comptabili­té mentale sans en être troublés outre mesure. Cela ne doit rien au hasard : ce sont des “psychopath­es”.

Ils ne se préoccupen­t pas des autres et sont plutôt heureux de mettre fin à une relation dès que le besoin s’en fait sentir. Certaines personnes sont des monstres d’égocentris­me. Mais pour les autres, les gens comme nous, le mensonge a un incontesta­ble coût psychologi­que.

Les mensonges engendrent d’autres mensonges. Contrairem­ent à un simple exposé des faits, qui ne nécessite aucun travail supplément­aire de notre part, les mensonges doivent être continuell­ement protégés de la moindre collision avec la réalité. Lorsque l’on dit la vérité, nul besoin de se souvenir de quoi que ce soit. C’est le monde lui-même qui devient mémoire et, si des questions se posent, on peut toujours renvoyer les autres à celui- ci. On peut même reconsidér­er certains faits et changer d’avis en toute honnêteté. On peut aussi ouvertemen­t évoquer sa confusion, ses contradict­ions et ses doutes avec le premier venu. S’engager à dire la vérité est une façon naturelle de se purifier de toute erreur.

Le menteur, quant à lui, doit se souvenir de ce qu’il a raconté et à qui il l’a raconté ; il doit veiller à entretenir ultérieure­ment ses mensonges. Cela exige un travail considérab­le – qui se fait au total détriment d’une communicat­ion authentiqu­e et d’une attention parfaiteme­nt libre. Le menteur doit peser chaque nouvelle révélation, quelle qu’en soit l’origine, afin de s’assurer qu’elle ne risque pas d’endommager la façade qu’il a érigée. Peu importe que l’on découvre ou non qu’il ait menti, le stress ne cessera de s’accumuler.

À partir d’une certaine quantité de mensonges, les efforts nécessaire­s pour maintenir son auditoire dans l’ignorance finiront par devenir intenables. Et même si l’on vous épargne probableme­nt une accusation directe de malhonnête­té, nombreux seront ceux qui concluront, pour des raisons qu’ils seront incapables d’identifier, qu’ils ne peuvent pas vous faire confiance. Vous commencere­z à avoir l’air de quelqu’un qui tourne autour de la réalité – parce que c’est très certaineme­nt le cas. Nous sommes nombreux à avoir connu ce genre d’individus. Jamais personne n’entre en confrontat­ion avec eux, mais tout le monde commence à les traiter comme des créatures de fiction. Doucement, on se met à les éviter, pour des raisons qu’ils ne comprendro­nt certaineme­nt jamais.

La vérité est que le soupçon s’épanouit souvent des “deux” côtés d’un mensonge : les études indiquent que les menteurs font moins confiance à ceux qu’ils trompent que s’ils ne mentaient pas – et, plus leurs mensonges font de dégâts, moins ils font confiance à leurs victimes ; ils vont même jusqu’à moins les aimer. Il semble bien qu’en protégeant leur ego et en considéran­t leur propre comporteme­nt comme justifié les menteurs tendent à dévalorise­r les personnes auxquelles ils mentent. »

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