Pedale!

On the wine side

- TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR BRIEUX FÉROT, À LODI, CALIFORNIE / PHOTOS: BF

Avec 75 km au programme, mais surtout 15 arrêts dégustatio­n dans le vignoble, le Giro d’Vino est la dernière “course” de la saison en Californie. Et pas vraiment la plus simple…

Le départ vient d’être donné, et déjà, la ligne droite n’en finit pas. Il fait gris en ce dimanche de novembre sur la Californie à quelques jours d’une élection qui finira par assombrir le ciel. Dans le peloton, on parle de tout sauf de Trump. De hot-dogs surtout: “J’ai hâte d’arriver, on aura à manger à volonté…” La nuée de maillots criards ornés de grappes de raisin, de tonneaux et de tire-bouchons trouble les sens. Autour, à perte de vue, des vignes. Et la sensation de commencer une course qui s’avère plutôt être une expérience éthylique métaphysiq­ue qu’un plaisir de l’effort. Justin roule avec sa femme pour leur annuel “week-end en amoureux” consistant à explorer un vignoble californie­n. Mais à vélo: “On prend le temps, on déguste, la journée paraît toujours tellement longue…” Depuis 1998, le Giro d’Vino clôt une saison ouverte par le Tour de Californie, en mai. Les 800 participan­ts sont très équipés, mais roulent surtout au ralenti. Un choix assumé. Le plan de course? Blinder leur cave des meilleurs crus des vignobles de Lodi en quinze étapes aux noms aussi champêtres que Fields Family, Heritage Oak, Dr Art Wines ou Harmony. Bref, Sideways (film sur les pérégrinat­ions viticoles de deux amis, ndlr), mais sur un vélo. “Attention, hein, on ne boit pas, on déguste!” Bob, un des organisate­urs, prévient: 98 % des participan­ts terminent la course. “Les 2 % autres, c’est à cause de problèmes mécaniques, hein, jamais à cause du vin.” Michael David, le plus gros exploitant du coin et sponsor principal de la journée, y veille d’ailleurs. “C’est une journée entre amis, pas entre alcoolique­s.” Shari, elle, n’est de toute façon pas venue pour boire. A priori. Elle boucle les 75 km en moins de deux heures. “Je suis allée vite, car j’étais en compétitio­n avec moi-même.” Les organisate­urs lui rappellent alors l’esprit du Giro: “C’est une balade, pas une course, hein…”

“Tu commandes et tu repars”

Au fil des kilomètres, les vapeurs produisent leur effet. On s’échange des oeillades, on se regarde trinquer, et on drague à l’ancienne. Un homme regarde des femmes trinquer. Stan venait avant au même endroit, mais “pour des concours de tailleurs de légumes et de citrouille­s”. Il s’agit de la 19e édition, et les habitués ont leur routine: “Tu roules, tu t’arrêtes, tu goûtes, tu commandes et tu repars, tout te sera livré sur la ligne d’arrivée…” Aucun risque d’exploser: c’est du tout plat. Surtout pour Robert Nichols, qui a été dans une autre vie cycliste pro en Italie aux côtés de Joaquim Rodriguez. Aujourd’hui, il anime Cycling Tips, une newsletter qui coûte 100 dollars l’année pour tout connaître du cyclisme californie­n. Il conseille gratuiteme­nt une halte chez Ripken, la 11e étape. Là, un quaker à barbe géante accueille à côté d’un cochon aux proportion­s monstrueus­es. “C’est dire si chez nous, le vin, ça rend fort!” Justin et sa femme n’iront pas plus loin que les transats posés devant l’étape suivante. Sur la ligne, les derniers vrais coureurs en finissent. Eux roulent encore droit, mais plus vite du tout. Sur scène, un sosie de Willie Nelson accompagné de sa dulcinée revisite Bob Dylan, hilare: “Like a drinking stoooone!” Shari attend ses poursuivan­ts cinq heures après. Elle sourit en regardant la bouteille posée devant elle. “Si je suis allée vite ce matin, c’était surtout pour pouvoir boire beaucoup après…” Une fringale est très vite arrivée, même descendue de vélo.

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Michael David, sponsor principal de la course “C’est une journée entre amis, pas entre alcoolique­s”

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