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DAVE IN THE SKY

- ET SÉBASTIEN DUVAL / PHOTOS: DPPI, PANORAMIC, PA IMAGES/ ICONSPORT ET PRESSE SPORTS PAR RONAN BOSCHER

Il est le tout-puissant manager de l’équipe Sky, l’homme derrière les victoires de Wiggins et Froome sur le Tour, celui qui a ringardisé la concurrenc­e avec ses “gains marginaux”. Dave Brailsford, l’ancien petit coureur, pourrait savourer sa revanche, si l’ombre du dopage ne l’avait pas rattrapé ces derniers mois. Voyage audessus d’un crâne chauve entre le pays de Galles, Londres et Saint-Étienne.

Dans son costume-cravate cintré, le crâne luisant, Dave Brailsford affronte pendant plus d’une heure, ce 19 décembre 2016, les parlementa­ires de la commission culture, médias et sport de Westminste­r. Les élus cherchent à comprendre dans quelles conditions Bradley Wiggins a pu bénéficier, avant le Tour 2011 et 2012, mais aussi sur le Giro 2013, d’une autorisati­on d’usage à des fins thérapeuti­ques (AUT) pour du triamcinol­one, un stéroïde interdit, afin de soigner son asthme, comme le montre son dossier médical dévoilé deux mois plus tôt par les Fancy Bears, le groupe de hackers russes. Ils souhaitent aussi connaître le contenu du fameux “colis mystère” livré en juin 2011, à la fin du Critérium du Dauphiné, par un entraîneur de la Fédération britanniqu­e au médecin du Team Sky, pour s’occuper du même Wiggins, à la santé hésitante. “Le Dr Freeman m’a dit que c’était du Fluimucil”, indique fermement Brailsford, moins convaincan­t sur les autres questions soulevées par les parlementa­ires. Pourquoi avoir fait venir de Manchester un simple décongesti­onnant nasal, autorisé par l’Agence mondiale antidopage – mais déconseill­é aux asthmatiqu­es –, disponible pour huit euros dans une pharmacie française? Pourquoi avoir attendu l’ouverture d’une enquête de l’Agence antidopage britanniqu­e (UKAD) avant de révéler le contenu du colis acheminé à grands frais jusqu’à La Toussuire? L’intéressé reconnaît, l’air penaud, le nez dans ses notes, avoir “très mal géré la situation”, mais assure qu’il en a “tiré les leçons”.

“Il ne cherche pas à être populaire”

Matt Lawton est le premier au courant du “mistery package” qui affole pendant des semaines les rédactions britanniqu­es. Avant

de noircir la moindre ligne, le journalist­e du Daily Mail devise avec Brailsford pendant deux heures, en “off”, dans un café du Cheshire. Le Fluimucil n’est pas mentionné une seule fois par le patron de la Sky, lancé à la place dans des explicatio­ns rapidement démenties. “Il était stressé et tenait à tout prix à ce que l’article ne soit pas publié, raconte Lawton. Il m’a proposé en échange un article plus positif et m’a demandé si un bon tuyau sur une équipe concurrent­e pouvait suffire à mettre fin à mes recherches.” Marchandag­e douteux ou tentative désespérée d’un homme au parcours jusque-là impeccable, soucieux de sauver la réputation de son équipe, déjà bien écornée par les problèmes d’asthme de Wiggo? La presse locale ne traîne pas pour brûler l’idole qu’elle avait consacrée. “Il ne comprend pas aujourd’hui que les choses puissent se retourner contre lui, rapporte Jeremy Whittle,

“Il se moque de ce que les gens pensent de lui et s’est fait quelques ennemis parmi les journalist­es, qui le lui font payer aujourd’hui.” Richard Moore, son biographe

du Times. Il est resté caché pendant tout le dernier Paris-Nice. L’ambiance autour de Sky me rappelle celle qui existait autour de l’US Postal à l’époque d’Armstrong.” Selon Richard Moore, auteur de Mastermind: how Dave Brailsford reinvented the wheel (aux éditions 90 minutes), la morale protestant­e anglo-saxonne ne pardonne pas au dirigeant de 53 ans son exploitati­on parfois borderline du règlement. “Ce n’est pas l’attitude des pays latins. Ici, il n’y a pas de zone grise, tout est soit noir, soit blanc. Brailsford ne cherche pas à être populaire. Il se moque de ce que les gens pensent de lui et s’est fait quelques ennemis parmi les journalist­es, qui le lui font payer aujourd’hui.” Concurrent du Sun, dont le propriétai­re, Rupert Murdoch, est aussi, via son bouquet satellite, le sponsor principal du Team Sky, le Daily Mail mène la charge. Le quotidien divulgue en mars dernier l’ébauche d’un rapport indépendan­t sur la gestion du programme de haut niveau de British Cycling dirigé par Brailsford entre 2003 et 2014. Il lui est reproché d’y avoir fait régner une “culture de la peur”, aux côtés de son ancien bras droit, le tempétueux Shane Sutton. L’Australien a été poussé vers la sortie l’an dernier, accusé de sexisme, notamment par Jessica Varnish qu’il aurait encouragée à “aller faire un gosse” tout en pointant son “gros cul”. Brailsford est, lui, accusé d’avoir fermé les yeux sur le comporteme­nt grossier de son collègue. Rendus intouchabl­es par leurs résultats, les deux hommes ont été mis en cause publiqueme­nt par certains coureurs britanniqu­es, retombés depuis dans le silence en attendant la publicatio­n officielle du rapport. “Croyez-moi que j’aurais eu des choses à dire, mais on m’a trop pourrie sur les réseaux sociaux la dernière fois que j’ai osé critiquer Brailsford pour repasser par-là”, regrette une médaillée olympique.

Hostilités galloises et exil en France

L’homme derrière le miracle du cyclisme britanniqu­e est désormais sous pression. “Il aurait sans doute démissionn­é si Sky ne l’avait pas soutenu”, avance Moore. Pour l’instant, son crédit lui permet d’affronter la tempête médiatique. Et il est important. Brailsford a transformé un pays périphériq­ue du cyclisme en une superpuiss­ance en l’espace d’une décennie. Sa révolution, il la débute sur piste à une époque où la France de Rousseau et Tournant écrase alors la concurrenc­e. Intronisé en 2003 directeur de la performanc­e de British Cycling, il poursuit le travail initié par son prédécesse­ur, Peter Keen, ancien coach de Boardman. Le succès est insolent: deux titres à Athènes dès l’année suivante, sept à Pékin comme à Londres en 2012. Bradley Wiggins, Chris Hoy, Victoria Pendleton et leurs camarades deviennent les principaux marchands d’or de la délégation britanniqu­e. Fin 2012, Brailsford est désigné entraîneur de l’année par la BBC, puis anobli par la reine, quelques mois avant de redescendr­e les ChampsÉlys­ées aux côtés d’un Wiggins, premier vainqueur britanniqu­e du Tour. Pour les adeptes de success storytelli­ng, l’ascension de “Sir Dave” est donc un modèle du genre. Né le 29 février 1964, à Derby, dans l’East Midlands, le garçon déménage rapidement avec sa mère Barbara, son père John et sa grande soeur Helen vers le massif montagneux du Snowdonia, dans le nord du pays de Galles. “Mon père était alpiniste et on habitait près du col du Llanberis, considéré comme la Mecque des grimpeurs à cette période”, situe Dave. Devenu plus tard guide de haute-montagne, résidant aujourd’hui dans les Hautes-Alpes, John s’est forgé une réputation dans son milieu. “Il a inventé le premier coinceur, une petite pièce de métal amovible à insérer dans les fissures des rochers, pour assurer les grimpeurs, une révolution pour eux”, admire Stéphane Pennequin, propriétai­re du seul musée du coinceur au monde, en Corse. Le virus de la grimpette n’attrapera pas son fils, apeuré par les hauteurs. Lui préfère le ballon rond et le poste de gardien. “Il s’est présenté un jour et s’est approprié le numéro 1, alors qu’on avait un gardien, se rappelle, dans une interview à ITV Wales, Malcolm Allen, un de ses coéquipier­s de l’époque, passé pro ensuite en D1 anglaise. Il était très compétitif, même à l’entraîneme­nt. Mais on avait surtout l’habitude de le voir sur son vélo.” Un moyen de transport et une échappatoi­re pour lui. “Dave était réservé”, appuie l’ancien footballeu­r, qui élargit: “Il était différent.” Le contexte local lui rappelle qu’il n’est pas un enfant du coin. “On vivait dans une communauté très galloise. Les gens étaient plutôt anti-Anglais. Je me suis déjà fait tabasser à l’école, je détestais y aller”, révèle celui qui suivit une scolarité en gallois jusqu’à ses 16 ans. À la maison, Dave cherche aussi sa place. Après le départ de Derby, Barbara et John ont offert un petit frère au quatuor, Andrew, un adepte de la grimpette comme papa. “J’étais un peu coincé au milieu, à faire signe que j’étais là, admet-il. J’étais un gamin plutôt angoissé.” Au sein de sa bande de rouleurs, il ne répond par exemple jamais aux saluts de son père, cycliste lui aussi, lorsqu’ils se croisent sur les routes. “Je voulais sans doute encore plus prouver

“Quand on est partis au ski ensemble, avec Valérie, Dave et deux de ses copains, il avait tout organisé, jusqu’à la cagnotte alimentair­e. Il était comme un grand frère qu’on écoutait beaucoup. Il était fédérateur.” Sophie, amie de la petite copine française de Brailsford

que les autres que j’étais comme tout le monde.” À 15 ans, une blessure au genou le détourne définitive­ment du foot, son médecin lui préconise le vélo pour se retaper. Sans doute le point de bascule de la vie de Dave, qui propose alors au paternel de l’accompagne­r sur les routes. “J’ai réalisé qu’il était plutôt bon à vélo et que je pouvais apprendre pas mal de choses de lui, déroule-t-il. De 16 à 20 ans, j’ai passé pas mal de temps à rouler avec lui, alors qu’on n’était pas très proches auparavant.” Un soir, à table, le fiston annonce son départ en France pour percer dans le vélo. “Ma mère était terrifiée, vu que je quittais mon job d’apprenti dessinateu­r industriel. Mon père, lui, m’a encouragé d’un gros ‘Yes! Vas-y fiston!’” Et le voilà qui embarque avec ses rêves de Tour ainsi que “800 livres en poche, mon vélo dans un carton, un sac à dos et un ticket de train sans retour pour Grenoble.” Ne reste plus qu’à trouver un club. L’Anglais tente sa chance après une course avec des coureurs pros. “Très naïf, j’ai demandé si je pouvais me joindre à eux. Ils étaient morts de rire.” Après quelques échecs, il trouve refuge auprès d’un groupe de cyclistes du côté de l’ASPTT SaintÉtien­ne. “Ils m’ont accepté par pitié, je pense… Et j’ai roulé avec eux pendant trois ans.”

“Le petit gendre de la famille chez Valérie”

Un peu blousé dans la répartitio­n des primes jusqu’à ce qu’il comprenne le français, Dave apprend le métier en tant qu’équipier dévoué. Il peut se payer une location et “gagner un petit salaire”. Mais mis à part à vélo, l’étranger éprouve la solitude. “Il n’y avait pas de téléphones portables et je n’arrivais pas à tenir une conversati­on en français.” Il va d’abord compenser cet isolement par une plongée dans la lecture spécialisé­e. “J’ai compris que je n’allais pas percer dans le vélo et je me suis passionné pour les livres de coaching science, sur les méthodes d’entraîneme­nt.” Avant de concrétise­r ses connaissan­ces à l’université de Chester, il travaille comme surveillan­t d’internat d’un CAP soigneurpa­lefrenier du nord de Saint-Étienne, au château de Sasselange de Veauchette. “Du 1er septembre 1987 au 1er juillet 1988, d’après les registres”, certifie Monsieur Radet, ancien comptable et professeur de biologie végétale de l’établissem­ent. “Il s’occupait aussi de l’étude”, renchérit Béatrice, interne cette année-là. Le pion tombe surtout amoureux d’une autre interne, majeure. “Une relation, sérieuse, et rien de répréhensi­ble”, ajuste Béatrice. “Elle s’appelait Valérie, confirme Sophie*, une ancienne bonne copine de l’intéressée. Ça a bien dû durer jusqu’en 1992, même quand elle est partie de Veauchette pour étudier à Lyon. C’était un peu le petit gendre de la famille chez Valérie.” Même de retour en Angleterre pour reprendre ses études, Dave enchaîne les allers-retours ChesterLyo­n, “pendant les vacances scolaires”. Avec un dernier tronçon en costaud, “toujours à vélo”, entre Saint-Étienne et Lyon. Témoin de l’idylle, Sophie apprend, au cours de vacances au ski, à connaître ce Dave “plutôt charismati­que”, “meneur de bande”, mais aussi “paradoxal”. Sophie, toujours: “Autant il était super cool, drôle, décontract­é, avec son jean et son tee-shirt, boute-en-train lorsqu’on sortait, autant il était super carré sur d’autres aspects, comme l’alimentati­on, les horaires. Quand on est partis au ski ensemble, avec Valérie, Dave et deux de ses copains, il avait tout organisé, jusqu’à la cagnotte alimentair­e. Il était comme un grand frère qu’on écoutait beaucoup.” Ces virées du côté de Lyon ont tout d’un sas de décompress­ion pour le très studieux étudiant en cours de science du sport et de psychologi­e à Chester et plus tard en MBA à la Sheffield University Management School. “Les soirées ne m’intéressai­ent pas. J’étais vraiment ‘boring’ comme mec, s’excuse-t-il. Je voulais tout apprendre, alors je passais mon temps à avaler des bouquins. J’avais compris que l’approche et la rigueur scientifiq­ues permettaie­nt l’améliorati­on régulière de la performanc­e.”

“On vivait dans une communauté très galloise. Les gens étaient plutôt anti-Anglais. Je me suis déjà fait tabasser à l’école, je détestais y aller.” Brailsford à propos de son enfance

garde un pied dans le cyclisme puisqu’il s’improvise soigneur pour la modeste formation Neilson-Tivoli, dirigée par John Herety, un ancien coureur pro. Ce dernier le recommande plus tard chez Muddy-Fox, une boîte de fringues pour cyclistes basée dans l’Essex, pour un poste de commercial. La trentaine entamée, Dave vit encore dans une colocation à quatre à Balham, dans le sud de Londres. Dave Loughran, revendeur de la marque Planet X, passe souvent par l’appartemen­t et sympathise avec Brailsford, “un mec cool, qui aimait le foot et le vélo.” Après un détour comme commercial pour une société française de bâtons d’encens, l’ancien de l’ASPTT revient dans le vélo grâce à son nouvel ami. “Je lui ai dit qu’il s’amuserait plus à travailler avec moi”, explique Loughran. Le duo bosse depuis Sheffield, mais ne crache jamais sur les salons spécialisé­s à l’étranger, notamment le Roc d’Azur, grand-messe commercial­e et sportive du VTT mondial, organisé dans le Var depuis 1984. “C’est simple, la plage était à 300 mètres de l’événement”, cadre Christophe Morera, plus connu sous le nom de “Dangerous Momo”, qui a rencontré pour la première fois les deux Dave lors de l’édition 1996 sur le stand de Planet X. “Je vois Loughran, peinard dans ses tongs, allongé derrière son comptoir, et Brailsford déjà chauve, décrit-il. Il ne ressemblai­t pas au rosbeef moyen, il était élégant, bien sapé. Il avait juste un peu plus de bide qu’aujourd’hui. Ils détonnaien­t par rapport aux autres exposants. Les noms de leurs produits tournaient autour des planètes, Uranus, tout ça…” Même si les deux Anglais ne viennent pas du monde du freeride et que Christophe s’avoue loin “du monde des jambes rasées”, le trio s’entend bien et Planet X accepte de sponsorise­r l’équipe du Français, Passion Ocre. “On a commencé à faire des images et des médias en Grande-Bretagne, ça cartonnait. Ils ont eu le flair d’être les premiers à sponsorise­r les mecs du street trial aussi. Je dois beaucoup à Dave.” Au bout d’une année, Brailsford propose à Momo le dangereux de démarcher les magasins pour la marque dans l’Hexagone, en tant que chef de produit. À l’époque, Christophe Morera découvre les qualités de leader du futur mentor de Chris Froome. À côté du bouillant Loughran, Brailsford sait, lui, arrondir les angles. “À un moment donné, je sentais un potentiel business dans le mouvement street. C’était un gros boulot et je voulais être augmenté. Loughran, un sanguin, m’a dit d’aller me faire foutre et Dave a calmé le jeu. Il m’a conseillé d’ouvrir ma propre boîte. Aujourd’hui, je distribue par exemple du lubrifiant pour le Team Sky.” À cette même période, Brailsford diversifie aussi ses activités, en parallèle de Planet X. “Quand j’allais le voir en Angleterre, on se débrouilla­it toujours pour que ça ne tombe pas pendant les jours où il bossait à la fédé”, relève Dangerous Momo. En 1997, après un coup de fil de John Herety, devenu manager de l’équipe britanniqu­e sur route, Brailsford s’engage à fournir 200 vélos à la fédération. “On ne savait absolument pas comment se les procurer dans le délai demandé”, s’amuse Loughran, nostalgiqu­e de ces années d’insoucianc­e, sans femme ni enfants, à regarder avec son ami chauve des vidéos du Tour entre leurs séjours mensuels en France pour rouler. “J’ai revu Dave sur le dernier Giro, même si les molosses de la Sky ne voulaient pas me laisser accéder au bus. Et il n’arrivait toujours pas à croire qu’il avait réussi à faire carrière dans le vélo.” Ceux de la fédé ont été livrés à temps et l’ancien commercial creuse vite son trou au sein de l’organisati­on. Le cyclisme britanniqu­e aurait-il atteint sans lui de tels sommets? “Avec tellement d’argent, la réussite était programmée, mais il ne serait peut-être pas allé si haut”, estime Richard Moore. L’argent dont l’auteur parle provient d’abord de la loterie nationale, redistribu­é aux discipline­s susceptibl­es de ramener le plus des médailles. Il permet à Brailsford de mettre en oeuvre son fameux concept des “gains marginaux”, ces détails censés créer la différence sur la concurrenc­e moins pointilleu­se. Le magot grossit ensuite grâce au milliardai­re Rupert Murdoch, qui transforme Sky en l’équipe la plus riche

du peloton. Sylvain Calzati embarque au début de l’aventure, en 2010. “Tout le monde se foutait de nous avec nos combinaiso­ns moulantes, nous jalousait avec notre budget, témoigne le Français. La Sky avait surtout un train d’avance. Au niveau de la méthode, les équipes françaises étaient restées au temps de Hinault. En matière de nutrition, par exemple, tout était programmé, calculé. La Sky s’inspirait beaucoup de la Formule 1. Certains coureurs allaient faire des tests chez McLaren, en soufflerie. Aujourd’hui, toutes les équipes pros ont adopté les méthodes de la Sky, qu’elles décriaient auparavant.”

“Une approche tellement rationnell­e et dénuée d’émotions”

Mais le succès des hommes en noir doit aussi beaucoup au flair et à la personnali­té de leur manager, obsessionn­el de la chose cycliste. “Il ne voit quasiment jamais sa femme ni sa famille, souligne le journalist­e du Times Jeremy Whittle. S’il n’était pas à ce poste, il serait sans doute dans son camping-car, tous les étés, sur le bord des routes du Tour. Il a d’ailleurs du mal à parler d’autre chose que de vélo.” Calzati, resté un an seulement dans l’écurie Sky, abonde. “Il connaît bien le cyclisme. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas été un bon coureur qu’on ne devient pas un bon manager. Dave, ça reste un des tout meilleurs quand on voit ses résultats. Il n’y a qu’à regarder les coureurs: il n’y a aucun tocard.” Toujours ouvert à de nouvelles idées, il a également su s’entourer de spécialist­es extérieurs, comme le scientifiq­ue australien Tim Kerrison, venu de la natation, ou le psychiatre Steve Peters, les laissant très autonomes dans leurs domaines de compétence­s respectifs. Celui qui donne à l’occasion des conférence­s en entreprise pour arrondir ses fins de mois est davantage un meneur d’hommes qu’un entraîneur. “On ne peut s’empêcher, quand on le rencontre, d’être impression­né, reconnaît Matt Lawton, qui ne l’a pourtant pas ménagé ces derniers mois dans le Daily Mail. Comme avec Mourinho ou Ferguson, on peut sentir pourquoi les gens ont envie de le suivre.” Ce qui ne l’empêche de présenter certains traits propres aux hommes de pouvoir. Plutôt accueillan­t au premier abord, Brailsfor passe pourtant aussi pour irritable et autoritair­e. Sa culture de l’excellence s’accompagne d’un manque de compassion. “Ça reste un Anglais, tranche Calzati. Même s’il est assez sympa, malgré son sourire, tu ne sais jamais ce qu’il pense vraiment. En fait, quand tout va bien, il est très correct. Quand il décide de passer à autre chose, on peut avoir du mal à le trouver.” Un sentiment partagé par Richard Moore, qui a consacré un livre “au réinventeu­r” de la roue. “Il n’est pas du genre à crier sur les gens, mais son approche est tellement rationnell­e et dénuée d’émotions qu’il peut manquer d’empathie.” Comme lorsqu’il fait appel à l’ancien dircom de Tony Blair, Alastair Campbell, pour régler sur le modèle du conflit nord-irlandais celui qui l’opposait à la pistarde Victoria Pendleton, après avoir découvert que celleci entretenai­t, en dépit du règlement, une relation avec son entraîneur, Scott Garner. Un compromis est trouvé. Pendleton décroche l’or et l’argent aux JO de Londres, puis se marie l’année suivante. Devenu chef d’empire, Sir Dave sait gérer avec un certain contenteme­nt les sujets délicats par un sens politique développé. “Il est à l’aise dans ce milieu, note Moore. Il est très ambitieux et sait comment éviter de répondre aux questions.” Mais depuis décembre, la technique s’est grippée et les nuages s’accumulent dans le ciel de la Sky. Et il ne fait jamais bon avoir un crâne trop lisse en cas d’orage.

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Avec un mods.
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Highlander.
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Billy Corgan.

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