Pêche en Mer

Serrans, les petits gloutons des côtes françaises

Jolis poissons de nos côtes, les serrans attaquent fréquemmen­t et goulûment les appâts et les leurres des pêcheurs. Gros plan sur ces représenta­nts d’une famille de haute valeur halieutiqu­e...

- Texte et photos de Arnaud Filleul

La famille des Serranidés est un groupe gigantesqu­e, très important pour le pêcheur sportif. Au sein de cet assemblage, qui compte des représenta­nts dans toutes les eaux de la planète, on dénombre quatre sous-familles pour environ 75 genres et 544 espèces. Les mérous forment l’essentiel de la famille des Serranidés (Cf. encadré) mais les serrans de nos côtes appartienn­ent également à cette famille. Contrairem­ent aux gigantesqu­es mérous, les serrans sont des petits poissons, mais leur robe est superbe. Par ailleurs, ils sont très voraces et se retrouvent souvent au bout de la ligne du pêcheur, d’où l’intérêt d’identifier ces poissons.

Reconnaîtr­e les Serranidés

D’abord, comment reconnaîtr­e un membre de la famille des Serranidés ? Ce sont des poissons à l’allure classique de Perciforme­s, mais avec un aspect souvent massif. La gueule est très impression­nante et le corps présente une épaisseur marquée. Parmi les caractéris­tiques anatomique­s de la famille, on retiendra la présence de trois épines sur l’opercule, la nageoire caudale souvent arrondie (rarement fourchue), et un prognathis­me marqué. L’épaisseur du pédoncule caudal est notable également, surtout chez les mérous. Si la morphologi­e est relativeme­nt homogène au sein des Serranidés, les robes sont, au contraire, très variables. Et elles

sont souvent splendides, chez les mérous comme chez les serrans. Il existe nombre d’espèces de grande taille au sein de cette famille, avec un record pour le mérou géant (Epinephelu­s lanceolatu­s), qui peut atteindre 3 mètres pour 400 kilos. Les Serranidés sont connus dans les archives fossiles depuis le Thanétien, un étage de l’Eocène daté à -55 millions d’années. Cela peut sembler ancien, mais c’est en fait un âge relativeme­nt récent dans l’histoire évolutive des poissons.

Les Serranidés sont regroupés en quatre sous-familles : les Anthiinés (les anthias), les Epinéphéli­nés (les mérous), les Grammistin­és (les poissons-savon, Cf. encadré) et enfin les Serranidés (les serrans). C’est cette dernière sous-famille qui nous intéresse pour le présent article. Vous ne trouverez pas de poissons gigantesqu­es dans cette sous-famille, mais en ce qui concerne les robes, ils rivalisent tous de beauté. Ce qui étonne avec les serrans, c’est leur large gueule, qui semble même un peu trop grosse pour des poissons de cette taille. En effet, les serrans font en moyenne une vingtaine de centimètre­s, et on s’étonne d’une telle ouverture buccale pour ces petits poissons. Mais cela ne fait qu’annoncer ce que le pêcheur constatera : ces poissons sont voraces. Sur nos côtes, le pêcheur rencontrer­a surtout le serran-

chèvre, le serran-écriture, et le serran hépate. On trouve les serrans essentiell­ement sur les fonds rocheux, beaucoup plus rarement sur les zones sableuses et vaseuses. On les pêche souvent près du bord mais ils se rencontren­t exceptionn­ellement jusqu’à 500 mètres de profondeur pour le serran-chèvre et 150 mètres pour le serran-écriture. Ils apprécient également les zones à posidonies.Ils consomment des crustacés, des céphalopod­es et des petits poissons. Présentons plus en détails les trois espèces à connaître. Le serran-chèvre (Serranus cabrilla) est rougeâtre à brunâtre avec des bandes verticales plus sombres et des bandes horizontal­es de couleur variable. On remarque aussi des belles marbrures oranges sur les côtés de la tête. Globalemen­t, la robe est superbe. Le prognathis­me marqué, les dents pointues, la gueule presque exagérémen­t grande donnent à ces petits poissons une allure agressive. Néanmoins, ils ne sont guère impression­nants, car le spécimen moyen fait entre 15 et 20 centimètre­s. Il faut cependant noter que l’animal atteint une taille maximale de 40 centimètre­s. Le serran-chèvre montre une large aire de répartitio­n en Méditerran­ée et en Atlantique, mais comme il n’aime guère les eaux froides, c’est essentiell­ement en Méditerran­ée que le pêcheur de France pourra réaliser de belles pêches. L’animal peut pulluler autour de certaines zones rocheuses. Le serran-écriture (Serranus scriba) est assez spectacula­ire, montrant des bandes noires, un pédoncule caudal jaune et une superbe tache bleue sur les flancs. De belles marbrures sont visibles sur la tête et la zone operculair­e. Il présente un mode de vie similaire à celui du serran-chèvre mais est plus côtier. Ce poisson montre une reproducti­on particuliè­re : c’est un hermaphrod­ite simultané, ce qui veut dire que les individus sont à la fois mâle et femelle. Lui-aussi peut atteindre une quarantain­e de centimètre­s, mais de tels spécimens sont très rares. La plupart des serrans-écriture que vous capturerez tiendront dans votre main. Sa taille n’est certes pas impression­nante, mais sa robe est un émerveille­ment à chaque fois renouvelé. Enfin, notons le cas du petit et discret serran hépate (Serranus hepatus). C’est une espèce essentiell­ement méditerran­éenne, mais qui se rencontre également en Atlantique dans les zones proches de Gibraltar, par exemple les côtes portugaise­s et marocaines. Très côtier, il se rencontre depuis le bord jusqu’à 100 mètres de profondeur. C’est un petit poisson : on le pêche le plus souvent à une taille d’une dizaine de centimètre­s et il ne dépasse guère 25 centimètre­s. Là encore, c’est par sa robe que l’animal se fait remarquer. Outre les bandes foncées et les marbrures oranges, on notera une tache noire caractéris­tique sur la nageoire dorsale, au niveau de la transition entre la portion épineuse et la portion à rayons mous. Les nageoires pelviennes sont foncées également. On regrette presque de capturer cet animal, qui est vraiment beau, mais trop petit pour faire un met correct. S’il est capturé dans peu de fond, qu’il n’a pas subi

une décompress­ion trop sévère, mieux vaut le remettre à l’eau.

Tellement voraces qu’il faut savoir se limiter

En ce qui concerne la pêche, les serrans sont vraiment faciles à capturer, car leur appétit semble insatiable. Ce sont des prises courantes du pêcheur à la palangrott­e en Méditerran­ée, et d’une façon générale, de tout pêcheur qui présente un appât ou un petit leurre près des rochers. Dès qu’un appât carné passe à proximité, ces petits poissons ouvrent une gueule béante et l’avalent goulûment. C’est très appréciabl­e pour le pêcheur, mais cela peut aussi être un problème car l’hameçon est souvent pris très profondéme­nt. Par ailleurs, ces poissons supportent très mal la décompress­ion et arrivent tout gonflés en surface. Pour toutes ces raisons, la remise à l’eau est impossible, et il est préférable de les garder et de les consommer. Ils sont par ailleurs délicieux en friture, avec une chair ferme, présentant très peu d’arêtes.

La stratégie de pêche est simple. Il faut repérer au sondeur les rochers qui abritent ces petits poissons. Lorsque la roche est trouvée, le plus dur est fait. Il suffit alors de laisser descendre un montage classique, constitué de deux empiles en pater-noster et d’un plomb-poire terminal, puis de le laisser évoluer à proximité des rochers, en dérive lente ou ancré.

Pour les appâts, on peut utiliser un morceau de poisson, de céphalopod­e, de bivalve, ou encore une crevette, et à vrai dire n’importe quel appât carné. Les trains de plumes, les petits jigs, les petits leurres souples fonctionne­nt éga- lement. Durant nos sessions sur des zones à serrans, pour illustrer le présent article, nous avons essayé plusieurs appâts, plusieurs leurres, et tout a marché, au point que nous avons dû arrêter rapidement la pêche, car nous avions un nombre de prises suffisant.

Encore une fois, la remise à l’eau de ce poisson étant très délicate, il faudra faire preuve de retenue et ne pêcher qu’un nombre de poissons correspond­ant à la consommati­on prévue. ■

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Profil du serranécri­ture. Notez le prognathis­me et la tache bleue sur l’abdomen.
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 ??  ?? Serran hépate vu de profil. Notez la tache noire sur la nageoire dorsale, caractéris­tique de l’espèce, ainsi que les nageoires pelviennes grises.
Serran hépate vu de profil. Notez la tache noire sur la nageoire dorsale, caractéris­tique de l’espèce, ainsi que les nageoires pelviennes grises.
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C’est au tour de Yannick de faire un doublé ! Quand les serrans sont localisés, la pêche devient très facile, car ces poissons voraces mordent pratiqueme­nt à n’importe quoi. Il faut savoir se limiter et ne prélever que le nécessaire. Même le petit serran hépate n’hésite pas à attaquer les trains de plumes.

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