Un gâchis collectif !
Les discriminations au travail posent avant tout un problème moral et social. Mais leur existence induit également un coût économique considérable pour la société. La réduction des seules inégalités d’accès à l’emploi et aux postes qualifiés augmenterait la richesse nationale de 150 milliards d’euros. Les explications de Clément Dherbecourt et Jean Flamand, experts au sein de France Stratégie.
n septembre dernier, France Stratégie a remis son rapport sur Le coût économique des discriminations aux ministres du Travail et de la Ville. Ce travail propose, pour la première fois en France, une estimation macroéconomique des pertes associées à l’existence de discriminations selon le sexe et l’origine.
DES INÉGALITÉS MASSIVES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Afin de mesurer les discriminations, France Stratégie a comparé - à caractéristiques égales (origine sociale, niveau de diplôme, etc.) - la situation des femmes, des natifs des Dom et des descendants d’immigrés sur le marché du travail en France métropolitaine, à celle des hommes nés en métropole sans ascendance migratoire. Les enseignements de cette étude sont clairs : malgré certaines évolutions positives, les inégalités d’accès à l’emploi, au CDI à temps plein et aux postes qualifiés restent significatives. L’accès des femmes au marché du travail s’est amélioré depuis vingt-cinq ans, mais leur probabilité d’être en emploi reste inférieure de plus de 10 points à celle des hommes, et même de 24 points pour les femmes d’ascendance africaine. À caractéristiques égales, les femmes gagnent environ 12 % de moins que les hommes sans ascendance migratoire. Cet écart est stable depuis vingt-cinq ans. La situation des hommes nés dans les Dom ou descendants d’immigrés d’Afrique semble moins défavorable, même si leur probabilité d’être au chômage a augmenté fortement depuis 2008 par rapport aux hommes sans ascendance migratoire. Ces résultats rejoignent les conclusions des nombreuses études de mesure directe des discriminations, par la méthode du testing (envoi de CV aux employeurs) qui montrent que l’origine et le sexe influent fortement sur l’obtention d’un entretien d’embauche.