“Retrouver un bon emploi pour tous”
À l’heure de l’ubérisation, quel avenir pour les travailleurs de demain ? Dans son ouvrage “La révolution Quaternaire”, Michèle Debonneuil, administratrice de l’Insee et inspectrice générale des Finances, montre qu’il existe une alternative au modèle proposé par les Google, Apple, Facebook et Amazon (Gafa).
En quoi faut-il revoir nos certitudes sur la croissance et l’emploi ? Aujourd’hui, beaucoup de pays connaissent le plein emploi. En réalité, c’est un faux plein emploi car de plus en plus de personnes ont des petits boulots, il y a de plus en plus d’ubérisation. Les gens travaillent quelques heures par semaine, sans contrat de travail, avec des rémunérations très loin des minima. Faut-il s’y faire ou lutter et essayer de trouver des façons de s’organiser qui redonnent du travail à tout le monde ? Dans ces pays où on ne le fait pas, mais que l’on admire un peu parce qu’ils ont retrouvé le plein emploi avec des taux de chômage vers 5 %, en réalité ils n’ont pas plus de croissance que chez nous, car celle-ci est très mal répartie.
Vous parlez dans votre ouvrage de solutions à coût marginal nul et de solutions quaternaires. De quoi s’agit-il ?
Les solutions à coût marginal nul sont celles des Gafa qui ne portent que les coûts fixes de production des logiciels qui traitent l’information. Ce sont des acteurs qui ne sont partis de rien, qui ont eu simplement l’idée que l’on pouvait faire beaucoup de choses en traitant uniquement de l’information. Ils ont organisé une nouvelle façon de satisfaire les besoins, dans laquelle ils permettent aux consommateurs d’y répondre, sans se déplacer. C’est comme ça que sont arrivées toutes ces applications, car personne n'aurait l’idée de dire que ce sont des services. Pour les entreprises qui les organisent, tout ce qui touche terre ne fait pas partie de leur business plan. C’est pourquoi elles confient ces aspects à des entrepreneurs indépendants qui utilisent leur savoir initial. En contrepartie, on peut concevoir des solutions que j’appelle quaternaires qui permettent que ce soit des entreprises qui mettent à disposition ces biens et ces personnes. À ce moment-là, on se trouve avec des chaînes de production qui ne sont plus dans les usines mais sur les lieux de vie. Les gens vont être embauchés, formés. Nous sommes dans une situation très différente de celle de l’ubérisation où la personne devient de plus en plus quelqu’un au bout de la chaîne de production sans aucun pouvoir de négocier quoi que ce soit.
Combien d’emplois peuvent être créés grâce à ces solutions quaternaires ?
À l’époque du plan pour les services à la personne (Plan Borloo de 2005, ndlr), j’avais fait le calcul que si chaque Français utilisait 2 heures par semaine ces services sur le lieu de vie, cela permettrait de créer 4 millions d’équivalents temps plein. C’est très créateur d’emplois.
Faut-il un plan gouvernemental pour développer ces solutions ?
Il faut que le gouvernement intervienne d’une façon nouvelle, qui est une sorte de catalyse de ces coordinations d’entreprises. Ces dernières sont formidables mais il y a une chose qu’elles ne savent pas faire, c’est se coordonner. Cela se fera très lentement s’il n’y a pas un plan. Il faut tout d’abord expliquer aux consommateurs ce qu’il se passe, leur dire qu’il y a de l’espoir. Les gens ont besoin de voir où ils vont. Là, ils ont peur car ils se disent que eux et leurs enfants n’auront plus d’emplois. C’est l’opportunité de dire qu’il y a une direction qui va permettre de retrouver de l’emploi, et un bon emploi pour tous ainsi qu’une croissance durable pour tous. Tout cela est très gai et il est important que le gouvernement puisse annoncer des bonnes nouvelles et donner la dynamique ! Pour tout comprendre au fonctionnement des solutions quaternaires, retrouvez l’intégralité de l’interview de Michèle Debonneuil sur le site courriercadres. com (support édité, comme Rebondir, par CDI Médias & Services)