QUESTION D’ACTU
Quel peut être le rôle de l'État pour minimiser l'impact de la crise sur l'économie et l'emploi ? L’analyse d’Olivier Passet, directeur de la recherche de Xerfi.
“L’économie et l’emploi restent tenus à bout de bras par l’État” par Olivier Passet
Les mesures du gouvernement pour aider les entreprises et favoriser les embauches sont-elles suffisantes ?
Jusqu’ici, le gouvernement a mis en place un plan d’urgence, puis un plan de relance. Avec des aides pour les entreprises, le chômage partiel et des primes à l’embauche. Quand on regarde la trésorerie des entreprises, on constate qu’elle est à un bon niveau. Les organisations ont perdu énormément de chiffre d’affaires et gelé leurs recrutements. Mais nous n’avons pas vu la grande vague de destruction d’emplois que nous redoutions.
À ce stade, nous pouvons dire que l’argent injecté (100 milliards d’euros pour le plan de relance) a stabilisé les choses. Mais cela sera-t-il suffisant ? L’État fonctionne à guichets ouverts, sans contraintes de financement, ce qui lui permet d’ajuster son action stabilisatrice. Pour l’instant.
L’Insee parlait récemment d’une baisse du chômage “en trompe-l’oeil”. Ne risquons-nous pas de nous bercer d’illusions ?
L’économie et l’emploi sont tenus à bout de bras par l’État. Il s’agit d’une action mécanique, bien ajustée, mais qui repose sur l’action budgétaire. Les mesures prises depuis mai ne permettront pas de créer de l’emploi une fois l’épidémie passée. Nous avons vécu un énorme décrochage de l’activité, une remontée technique qui nous a ramenés à 5 % d’un niveau normal de production, mais il y a une réelle crise des débouchés.
L’État a fait un bon travail de stabilisation. Mais le plan de relance actuel n’est pas armé pour accompagner l’économie sur plusieurs années, et éviter que l’emploi permanent soit impacté. Ce à quoi nous risquons d’assister, c’est une contraction de la demande, avec un volume d’emploi terriblement réduit pendant les deux prochaines années.
En dépit des aides, tout ce que nous pouvons espérer, c’est amortir un mouvement de fond ; une vague de réduction des capacités et de destructions d’emplois.
L’État pourra continuer de mobiliser l’arme de la formation des chômeurs, pour réduire le nombre des demandeurs d’emploi de catégorie A. Avec le chômage partiel en plus, il pourra maintenir l’apparence d’un chômage contenu. Mais il ne s’agira jamais que d’un habillage des statistiques.
Le risque est ainsi que la situation de l’emploi et du chômage soit trompeuse. Tant que les vannes budgétaires resteront ouvertes, nous aurons un tableau mitigé, qui ne sera pas en phase avec la situation réelle de l’économie. Qui risque de rester encore quelques temps une économie zombie. Si l’on peut être optimiste à court terme, c’est sur la trajectoire à long terme de l’économie que l’on peut être inquiet.
Qu'est-ce-que l’État peut faire de plus pour voir plus loin que cette “économie zombie” ?
À court terme, l’État peut renforcer le chômage partiel et le soutien aux secteurs clés français, surtout dans les mois qui suivront le reconfinement. Il y a encore des milliards à avancer pour maintenir artificiellement l’emploi pendant au moins un an. Mais à long terme, 100 milliards d’euros ne suffiront pas à reconfigurer l’économie et à assurer sa croissance sur plusieurs années. Pour que ce soit le cas, l’enveloppe actuelle de 100 milliards devrait être renouvelée une dizaine de fois, avec une réforme de la gouvernance et une véritable “planification”.