ON A TESTÉ POUR VOUS
Le métier de cordonnier
Métier manuel et artisanal par excellence, la cordonnerie nécessite d’être minutieux, polyvalent et patient. Autant de compétences nécessaires que j’ai découvertes lors de mon immersion, le temps d’une journée, aux côtés de Thierry Hoo et de son équipe. Reportage.
Il est 10 heures quand je passe la porte de la cordonnerie “À la ville, à la montagne”, spécialisée dans la réparation mais aussi la vente d’équipements de montagne. Situé dans le 11e arrondissement de Paris et tenu par Thierry Hoo, le magasin familial fêtera bientôt ses 60 ans d’existence. “Je suis tombé dedans quand j’étais petit et j’ai été formé par mon père”, me confie-t-il. Dès mon arrivée, le bruit des machines et l’odeur du cuir me frappent. “Pour des questions de sécurité, je ne pourrais pas vous faire travailler sur les différentes machines”, m’indique le cordonnier. En effet, je m’aperçois très vite que ce métier demande un savoir-faire précis, qui ne s’improvise pas. Après avoir enfilé mon tablier, Claire, l’une des six employés, me détaille ce qu’elle est en train de faire. “Nous sommes spécialisés dans les équipements de montagne et nous avons beaucoup de chaussures de randonnée. Ce matin, je dois refaire les coutures de cette paire mais cela prend du temps. Car ce type de produits possèdent une membrane étanche qu’il ne faut absolument pas percer. Il faut donc découdre petit à petit pour réparer par l’intérieur”, me détaille la jeune femme. De son côté, Thierry me confie la réparation d’une paire de talons. Avant de pouvoir les réparer, il faut enlever la partie défectueuse tenue par un clou. Pour y parvenir, Thierry me donne une pince et un marteau. “Serrez très fort le clou avec la pince sur laquelle vous tapez, d’un coup sec et franc, avec le marteau”, m’apprend-il. Après quelques ratés, je parviens à déloger le clou des deux chaussures et à les remplacer avec un nouvel embout.
TROUVER DES SOLUTIONS
Thierry sort ensuite une paire de mocassins pour homme qu’il faut nettoyer. “Le client les a tâchés mais ne sait pas dire quel liquide est tombé dessus. Nous allons donc commencer par appliquer un détachant.” Après que le cordonnier m’ait montré comment faire, je m’attelle à passer le produit sur les chaussures et à les laisser sécher. Finalement, Thierry constate que cette méthode ne fonctionne pas et décide de teinter les chaussures pour faire disparaître les tâches. “J’avais prévenu le client qu’il était possible que l’on
ne parvienne pas à les nettoyer et que nous ferions probablement une teinture. Bien souvent, il faut être innovant et faire marcher les méninges pour trouver des solutions !”, détaille le cordonnier. Avec un pinceau, j’applique donc la nouvelle couleur sur la paire de mocassins. “Les mouvements doivent être tous dans le même sens”, me conseille Thierry. Au bout d’une dizaine de minutes, les chaussures ont retrouvé de leur éclat et ne laissent plus apparaître de tâches. “Nous repasserons une autre couche, plus foncée encore, quand elles auront séché”, m’indique Thierry. La fin de matinée approche et les machines continuent leur brouhaha. “C’est une habitude à prendre”, souffle Silvère, employé ici depuis 6 ans. Pour Claire, l’odeur des produits reste le point noir du métier. “C’est assez désagréable. Je n’ai jamais été aussi malade (gorge qui gratte, nez qui coule…) depuis que je me suis reconvertie et que je suis devenue cordonnier.”
PETITE MAIN
Après le déjeuner, Thierry me confie une tâche minutieuse et longue : découdre une fermeture éclair d’un sac à dos en vue de la remplacer. “Le produit est très abîmé et j’ai conseillé au client de ne pas faire cette réparation car cela coûte 120 euros. Mais il tient beaucoup à son sac et nous a demandé de procéder au remplacement”, m’explique Thierry. Équipée d’un découd vite, petit outil permettant d’enlever les coutures, je débute mon travail. Une tâche qui n’est pas très compliquée mais qui nécessite d’être minutieux pour ne rien abîmer. Surtout, cela prend beaucoup de temps. Après une trentaine de minutes, j’arrive à la fin de mon ouvrage. “N’enlève pas tout car je vais devoir bien analyser comment la fermeture a été montée pour pouvoir coudre la nouvelle. D’un sac à l’autre, ce n’est jamais la même façon de faire”, m’indique Claire. Une fois ma tâche terminée, Thierry me propose d’effectuer un cirage miroir sur la paire de mocassins que nous avons rafraîchie le matin. “C’est une façon de cirer le bout et les contreforts de la chaussure de manière à ce qu’elle brille. Après avoir appliqué un peu de cirage, il suffit d’ajouter une goutte d’eau et de répéter l’opération jusqu’à l’obtention de l’effet désiré”, m’explique le cordonnier. L’exercice, qui semble simple de prime abord, s’avère être bien plus compliqué que prévu et me demandera beaucoup de persévérance. Au bout d’une petite heure, j’approche du but et Thierry finalise le cirage pour un rendu optimal. Il est 18 heures, ma journée se termine. Avant de le quitter, le cordonnier me confie que son métier séduit de plus en plus les profils en quête de reconversion professionnelle et d’indépendance. “Il ne faut pas se lancer tête baissée dans la création de sa cordonnerie. Il est primordial de vraiment bien se former car c’est un métier exigeant et prenant. Il faut faire ses armes sur le terrain”, conseille-t-il.