ITINÉRAIRE BIS
Laetitia Colombier : Des assurances à la pâtisserie
En 2017, Laetitia Colombier, 40 ans, prépare un CAP Pâtissier. Après une carrière dans la banque et les assurances, elle a fait le choix de se reconvertir. “Je souhaitais retrouver du sens et exercer une activité manuelle et concrète. Quitter mon bureau pour créer mon laboratoire de pâtisserie”, se souvient-elle.
Sa passion pour ce domaine remonte à loin : fille de boulangers-pâtissiers, elle passait son temps petite dans le fournil familial, où elle confectionnait avec son père des tartes, des flans et des éclairs. Mais l’idée d’en faire son métier n’arrivera que bien plus tard. Elle s’oriente d’abord vers le droit, puis entame une carrière de commerciale, avant de travailler dans le secteur de la banque et des assurances, en tant que conseiller financier. Entre 2013 et 2016, elle est consultante chez Malakoff Médéric, à Boulogne-Billancourt (92). “Mais arrivé à la quarantaine, je me suis rendu compte que ce que je faisais n’avait plus tellement de sens, et j’ai souhaité revenir à mes premières amours, à savoir ma passion pour la pâtisserie, raconte-t-elle. J’ai toujours beaucoup apprécié la partie commerciale et conseil, mais je suis devenue maman, et les choses ont changé un peu. Mes objectifs de vie, mes souhaits. J’avais envie de faire quelque chose de plus concret. J’aimais ce que je faisais, mais je n’y trouvais simplement plus ma place”.
ANTICIPER LES ALÉAS
Laetitia Colombier rejoint l’École de Boulangerie et de Pâtisserie de Paris en 2016. “Je n’avais pas forcément toutes les compétences pour exercer ce métier. De par mon expérience personnelle avec mon père, j’en possédais déjà quelques unes, mais j’avais besoin de me professionnaliser”, explique-t-elle. En alternance, elle se perfectionne pendant 6 mois ; à l’école auprès de professionnels, et sur le terrain au sein d’une boulangerie. Une fois son CAP en poche, elle est recrutée en CDD par Stéphane Glacier, élu Meilleur Ouvrier de France en 2000, et travaille dans sa pâtisserie de Colombes (92) pendant un an, en tant que commis.
En 2020, Laetitia Colombier déménage avec son mari (muté en Bretagne) à Pleuven, près de Quimper (29). Un “aléas de la vie” qui la conduit à changer ses projets : “Je pensais continuer à être salariée dans diverses pâtisseries, afin d’acquérir de l’expérience, mais l’opportunité de changer de région était l’occasion de passer à la vitesse supérieure, et de créer mon activité”, relate-t-elle. Elle aménage sa nouvelle maison, et y ouvre son propre laboratoire de pâtisserie, qu’elle baptise "Les Délices d’Eugénie". Depuis un an, elle organise des “ateliers pâtisserie”, pour les adultes comme pour les enfants.
Sa reconversion, Laetitia Colombier la perçoit comme une prise de risque nécessaire. “Le risque, je l’ai pris à 100 % : j’étais cadre commerciale, avec un revenu
confortable et une voiture de fonction. Une carrière bien rangée en région parisienne. Mais j’ai démissionné, et je n’ai donc eu presqu’aucun accompagnement de la part de Pôle emploi(1). J’ai payé moi-même les 3/4 de ma formation. Mais j’étais en couple, et j’ai pris cette décision avec mon conjoint, cadre dans une entreprise d'assurances : c’est sans doute plus compliqué quand on est seul et moins à l’aise sur le plan financier. Cela restait un vrai pari, mais qui me semblait incontournable pour me réaliser pleinement. Je me demande même pourquoi je ne l’ai pas fait avant!”, note-t-elle. Même si le Covid-19 lui a “joué quelques tours”, retardant son activité de plusieurs mois, elle ne regrette pas d’avoir changé de cap, mais prévient de l’importance d’anticiper les difficultés potentielles qui attend la personne en reconversion : “Je débute à peine, je ne gagne pas ma vie pour l’instant, et j’espère pouvoir rentabiliser début 2022. Quand on parle de prises de risques, c’est l’illustration parfaite de l’importance d’anticiper. Évidemment, je n’imaginais pas être bloquée par une épidémie. Je ne regrette pas mon choix, mais il faut garder en tête qu’une reconversion nécessite une vraie réflexion, du temps ensuite pour que cela paye, et le soutien financier et moral de son entourage”. Elle conseille de “prendre le temps de la réflexion”. Mais une fois ce temps pris, “il faut y aller et foncer !”, lance-t-elle.
FAIRE SES PROPRES CHOIX
En outre, si son expérience personnelle de la pâtisserie depuis sa plus tendre enfance lui a permis de se former assez rapidement et facilement, elle remarque : “se lancer dans un domaine que l’on ne connaît absolument pas me paraît très risqué. Mieux vaut ne pas choisir une activité par hasard, et en avoir déjà une certaine connaissance, notamment ses faces cachées. Ou bâtir sa propre connaissance, via des stages d’immersion auprès de Pôle emploi, par exemple. Il faut connaître l’univers où l’on s’apprête à plonger, car rien n’est jamais tout rose, même quand il s’agit du métier de ses rêves”. Si elle apprécie les moments passés avec ses clients lors de ses ateliers et le côté pédagogique de son activité, c'est le fait d’être devenue sa propre patronne qui est surtout pour elle l’un des grands avantages de sa reconversion. “L’autonomie, l’indépendance, c’est aussi ce qui m’a poussée à faire ce choix : quand on arrive à un moment de sa carrière où l’on n’est plus tout à fait en phase avec les contraintes d’une entreprise, le fait de faire ses propres choix dépasse les risques que l’on prend”, remarque-t-elle. Enfin, le fait d’être indépendante sur le plan professionnel lui a apporté un rythme plus serein. “Cela m’a permis de consacrer plus de temps à ma famille, de mieux gérer mon temps et de gagner en bien-être. Même s’il est trop tôt pour être catégorique, car mon activité devrait être plus intense dans les mois qui viennent”, conclut-elle.
(1) À noter que depuis novembre 2019, les démissionnaires ont droit au chômage ; dès lors qu’ils ont un projet professionnel, comme une création d’entreprise ou une reconversion.