Regal

LA COQUE AU RÂTEAU

-

sur son écran radar pour suivre le cheminemen­t de son bateau. Sur le pont, un bras mécanique remonte la drague chargée d’huîtres collectées sur le fond. Dominique se charge d’ouvrir la drague pour en vider le contenu dans de larges conteneurs. «Avec les huîtres, nous remontons beaucoup d’autres choses. Il faut trier à terre», explique Ludovic Tanguy. Une morgate (ou seiche) apparaît miraculeus­ement vivante. Dominique la rejette à la mer. Ce n’est pas la saison! Les coquilles saint-jacques encore trop jeunes retournent, elles aussi, immédiatem­ent dans le grand bain. « Nous semons les huîtres sur le fond et on les laisse pousser. Cela ne veut pas dire que l’on ne s’en occupe pas. On vient de temps en temps les herser à la drague pour les aider à croître. Et on tente de chasser leurs ennemis, à commencer par l’étoile de mer, une véritable plaie, capable de tout dévorer si on la laisse s’installer sur les parcs », explique l’ostréicult­eur. Cette culture extensive de l’huître en pleine mer est une particular­ité de la baie de Quiberon. Il en résulte un coquillage au goût très corsé. «Il faut aimer l’iode», sourit Ludovic. « Encore une dernière drague et on rentre », lance-t-il à Dominique.

Une mort qui respecte la vie

Pendant ce temps, bien au-delà de l’horizon, Daniel Kerdavid est aussi sur la route du retour. Il a pris la mer très tôt, ce matin, à bord de son ligneur de neuf mètres, le Miyabi. Dans le port de Quiberon, son bateau ne passe pas inaperçu à cause de son drapeau japonais. «Je n’ai jamais mis les pieds là-bas, mais je tue mon poisson un peu comme le font les pêcheurs japonais, raconte le pêcheur débordant de fougue, J’ai découvert ça un jour en regardant la télévision. On appelle cela l’ikejime.» Le pêcheur brandit un lieu jaune, d’un mètre de long, raide comme la justice, l’oeil toujours vif. On a l’impression que le poisson vit encore. «Cette technique est fascinante, poursuit Daniel Kerdavid. Je cherchais un moyen de mieux valoriser ma pêche et le mangeur va s’en apercevoir. » Le lendemain, le lieu jaune passera en cuisine, entre les mains d’Hervé Bourdon, au Petit Hôtel du Grand Large. Dans l’assiette, tendre, nacré, rosé à coeur, le lieu jaune nous embarque. Après une telle expérience, impossible d’apprécier de la même façon un poisson qui n’a pas été traité de cette façon. La révélation de ce voyage, en somme. Yan Laimé est un pêcheur à pied itinérant. Il est basé à Saint-Pierre-Quiberon mais il se déplace jusqu’à Lorient, pour pêcher la palourde, et jusqu’à la Baule pour la coque. « C’est le plus beau gisement d’Europe pour ce coquillage », souligne le pêcheur profession­nel. Ses outils sont assez simples, un râteau dans chaque main pour traquer la coque, qui vit en colonie, cachée dans le sable. En une matinée, il peut ramasser plusieurs dizaines de kilos. Dans le golfe du Morbihan, il pêche la palourde en plongée (mais sans bouteille, avec un tuba rallongé). « Là, on y va à mains nues et on gratte le fond pour trouver la palourde enfouie et on remonte toutes les vingt minutes pour vider notre panier. On pêche pendant quatre heures environ. »

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France