Le roi Bocuse
LE PAPE DE LA GASTRONOMIE A TIRÉ SA RÉVÉRENCE. IL A MARQUÉ DES GÉNÉRATIONS DE CUISINIERS ET SA VISION DE LA CUISINE N’EST PAS PRÈS DE S’ÉTEINDRE. TEXTE EVE-MARIE ZIZZA LALU
« J’ai les goûts les plus simples du monde, je me contente du meilleur. » Paul Bocuse aurait pu prononcer cette phrase d’Oscar Wilde qui résume toute sa philosophie en une de ces formules choc qu’il affectionnait. Il n’avait qu’une religion, celle du produit. C’est elle qui lui a valu de rassembler tant de fidèles sous sa bannière. Pour l’époque, c’était une révolution au regard des plats ampoulés qui composaient l’héritage de la grande cuisine française. D’autres sont allés beaucoup plus loin et auraient mérité plus que lui cette étiquette de « représentant de la nouvelle cuisine », mais le chef de Collonges jouait cette musique de la simplicité et de l’authenticité avec brio et panache. Maniant savoir-faire et faire savoir, il avait un don pour tirer le meilleur parti des produits de son terroir : une salade de haricots verts, avec quelques échalotes émincées, arrosée d’un filet d’huile d’olive, devenait un mets de roi. Il avait aussi un talent pour donner aux grands classiques de la tradition un éclat sans pareil. Ses détracteurs – naturellement il en avait – l’accusaient de ne pas être derrière ses fourneaux et de passer son temps à parcourir la planète.
Merci Monsieur Paul
Sa force était précisément d’avoir transmis à l’ensemble de son équipage son goût de la perfection et sa science naturelle des assemblages. Il lui suffisait d’un regard, d’un mot un peu appuyé pour orienter la barre. L’exigence qu’il avait pour les autres, il l’avait pour luimême. Les jours qui ont suivi sa disparition, tous les employés du restaurant ont porté une veste noire, brodée de l’inscription « Merci Monsieur Paul ». Trois mots simples et sincères que des milliers d’anonymes continueront à prononcer en savourant ses recettes.