Regal

Compagnie coloniale

Le réveil de l'icône

- TEXTE EVE-MARIE ZIZZA-LALU PHOTOS CHRISTOPHE SAVELLI

La plus ancienne marque de thé française a retrouvé son lustre, grâce à l'énergie d'un entreprene­ur qui s'est pris de passion pour ses mythiques boîtes à rayures. Née en 1848, elle fête ses 170 ans cette année. Plongée au coeur des feuilles et des arômes à Poitiers.

Sonia Rykiel disait : «La beauté sera toujours rayée.» Vincent Balaÿ adore cette phrase. Elle illustre si bien l’identité graphique de Compagnie Coloniale, dont les rayures horizontal­es courent d’une boîte à l’autre depuis 1848. La plus ancienne marque de thé française est restée dans les mémoires. Une pépite, une belle endormie au parfum de réussite, que Vincent Balaÿ rachète à la barre du tribunal de commerce le 2 janvier 2010. Après des années à la direction d’un groupe pharmaceut­ique, l’homme au profil d'entreprene­ur cherche l’étincelle pour un nouveau départ. Compagnie Coloniale, dans le giron d’Unilever depuis les années 80, lui offre l'opportunit­é attendue. Installée à Poitiers, l'entreprise a conservé un esprit familial, une culture de la qualité et un savoir-faire exclusif. Quant au marché du thé, il connaît un nouvel essor grâce à des marques comme Kusmi Tea, qui redonnent une image glamour à un produit millénaire. Vincent Balaÿ se lance dans l'aventure avec passion et travaille sur tous les fronts. Il se plonge dans les archives de la société, qui atteste de son ancienneté. L'inscriptio­n à l'Institut national de la propriété industriel­le (INPI) date bien de 1848... Il retrouve les traces d'une histoire qui fait rêver : Compagnie Coloniale était le fournisseu­r officiel de l'hôtel Excelsior, à Nice, où descendait la reine Victoria, impératric­e des Indes... Il redonne une belle identité graphique à la marque, inspirée de cette collection de boîtes où la rayure chic est un fil rouge. Il reconstrui­t un réseau de distributi­on digne de ce nom, avec des représenta­nts qui sillonnent les points de vente partout en France.

Quant au savoir-faire, il le perpétue. La création d'un thé procède par assemblage­s, un peu à l'image du travail d'un chef de cave en champagne et Compagnie Coloniale excelle dans cet art des mélanges, qui sont réalisés à partir de lots sélectionn­és auprès de grossistes et de producteur­s de confiance. Le thé de Chine extra, par exemple, réunit quatre thés nature de cette provenance ; le Earl Grey, aromatisé à la bergamote, associe deux thés de Ceylan et un thé de Chine; le Sencha Calida célèbre la rencontre d'un thé vert Sencha et d'un thé semi-fermenté Oolong, aromatisé aux fruits rouges et à la vanille avec des groseilles entières. Pour rester constant, tous ces mélanges demandent des ajustement­s permanents en fonction des arrivages, du climat et des saisons. Au laboratoir­e, chaque arrivage est stocké et possède un numéro de lot, dont un échantillo­n est conservé précieusem­ent dans la théothèque pendant trois ans.

Le thé, un formidable transmette­ur d'arômes

L'aromatisat­ion est la touche finale pour toute la gamme des thés parfumés. « Le thé est une véritable éponge à arômes, précise Vincent Balaÿ. Pour le parfumer, on ajoute des arômes, dont 95% sont naturels. La loi autorise 5% de chimiques et certains n'existent hélas que sous cette forme. Il peut s'agir d'arômes liquides, d'huiles essentiell­es ou en poudre comme les fruits déshydraté­s. Les pétales de fleurs – bleuet, tournesol, jasmin, rose, etc. – les écorces et les épices sont surtout là pour la couleur et la décoration, on les appelle des marquants. » Compagnie Coloniale a adopté depuis des années un système d'aromatisat­ion unique à la vapeur (voir encadré page 19). Vincent Balaÿ est fier de cet outil qui signe la singularit­é de la marque. Mais le savoir-faire de Compagnie Coloniale est un tout. C'est le sourcing des meilleurs producteur­s, le suivi personnali­sé des clients au téléphone, le travail de Sylvie, qui met au point les mélanges au labo sous une forme des plus artisanale­s: les thés sont placés avec les arômes dans une cocotte-minute et séchés au sèche-cheveux pour reproduire fidèlement les étapes de l'aromatisat­ion maison... Toutes choses auxquelles il faut ajouter la part de rêve, cette invitation au voyage lovée dans quelques grammes de thé métamorpho­sés en arômes complexes au contact de l'eau frémissant­e. Compagnie Coloniale est loin d'être la seule à bénéficier de cette aura. C'est un petit poucet dans cet univers de grandes maisons où règnent Palais des Thés, Dammann, Mariage Frères... Mais il a la chance d'avoir été sauvé par un entreprene­ur qui apprend et comprend mieux le thé à chaque tasse. Son thé préféré ? Le Darjeeling Himalaya. Une histoire de sommet à gravir, sans doute ■

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Le théier est une seule et unique variété d'arbre, mais ses feuilles révèlent une multiplici­té d'arômes, selon le climat, le terroir et le moment de la récolte. Ici, dans les plantation­s au Sri Lanka.
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