RAISIN
barbet. Il faut se laisser aller, se laisser cueillir, vivre l’expérience. On s’aperçoit que les poissons de lac sont comme un monochrome de Malevitch. Le tout est d’ouvrir les yeux. Si on parle purement technique, la densité, la fluidité, la structure de chair des poissons de lac est très intéressante. La preuve, c’est que les poissons d’eau douce ne supportent pas la surcuisson. Le poisson devient sec, fusillé. Ça veut dire qu’on est dans de la dentelle. » Et le fait de devoir limiter les approvisionnements pousse encore à la créativité. C’est ainsi qu’est né l’un des plus grands plats de Laurent Petit : une tarte au chou et féra fumée. Un jour, trop de choux dans le jardin, trop de féras dans le lac, l’imminence de la fin de la saison de la pêche : le chef décide de transformer le poisson en condiment. « En cette saison-là, les féras sont en train de pondre. Donc on a fait notre tarte au chou avec une sauce aux oeufs et de la féra fumée. Si je n’avais pas été attentif à ce qui se passe dans le lac, jamais ce plat ne serait sorti. Je pourrais appeler un gars : “Tu me mets 30 kg de saint-jacques, 40 kg de langoustines vivantes”… Mais tout ça, je ne le supporte plus, ça n’a aucun sens. Si je ne connais pas la personne qui a levé les filets, arraché les pommes de terre, ça ne m’intéresse pas. »
DES ALPES
Logiquement, la carte des vins du Clos des Sens est aussi très locale : elle recense 250 références issues des contreforts alpins français, italiens, autrichiens et suisses. À l’apéritif, le jeune sommelier Thomas Lorival nous accueille avec un Ayse (prononcer aïze) de la vallée de l’Arve, une belle bulle de la région. Des blancs aromatiques accompagnent les poissons de lac : une roussette de Savoie finement sélectionnée et un Domaine de Beudon venu de Suisse. Sur les cèpes, ce sera un chignin-bergeron, une toute petite appellation de la cluse de Chambéry. Au moment du fromage, le choix se fait cornélien quand le chariot roule de table en table, suivi