ET MARCHÉ DU SAMEDI
La cuisine finit toujours par réunir. Du moins le temps d’une bouchée de scone, l’une des plus emblématiques et indéfinissables douceurs du Royaume-Uni. Cette pâtisserie levée, dont la forme doit beaucoup au hasard (sur une base parfois triangulaire, ronde ou carrée), est un délice minute qui se mange tiède. Ce patrimoine culinaire britannique est partagé avec l’Irlande tout entière. La partie sud a pris son indépendance en 1916, tandis qu’en 1921, le nord (l’Ulster) qui représente six comtés, devenait l’une des quatre nations du Royaume-Uni. bed & breakfast douillet. La décoration est raffinée, tout comme la table dressée pour le petit déjeuner, où la tradition se laisse gagner par un soupçon de modernité. Elle porte l’empreinte, teintée de nostalgie, de la très lointaine Londres. Nicola est irlandaise du Nord et a vécu sur le continent. Dans l’un des salons, la collection des whiskeys nous rappelle que nous sommes bien sur les terres de ceux qui revendiquent l’invention de l’alcool de grain. Le petit déjeuner est copieux, fidèle à la conception classique de l’English breakfast. Boudin noir en tranches, saucisse grillée, bacon, oeuf au plat et toasts grillés sont au menu, agrémentés de poireaux snackés, de saumon fumé par les soins de Ruairidh Morrison (un voisin), de muffins et de cake de la fée pâtissière maison. Tout est préparé avec un excès de démonstration touchant. Il n’est pas si aisé d’avoir des hôtes français à sa table et de les convaincre que l’Irlande du Nord est sur le chemin de la rédemption culinaire.
Dans ce pays deux fois moins grand que la Bretagne, le terroir trépigne d’avoir trop longtemps été laissé en jachère. Le long des côtes à la beauté sauvage, sur les routes d’une campagne ondoyante, les fermes ne demandent qu’à retrouver leur place légitime. Au St Georges Market à Belfast, la capitale, une halle victorienne en briques rouges a évité de peu la destruction. L’édifice ne doit son salut qu’à ce réveil des produits du terroir, qu’on appelle ici the local food, par l’intermédiaire d’une poignée de fermiers déterminés. Chaque samedi, c’est l’effervescence. Les curieux accourent, et pas seulement des touristes internationaux, de retour de leur pèlerinage sur les lieux du tournage de la série Game of Thrones. « De plus en plus d’Irlandais prennent conscience qu’il y a une alimentation en dehors des supermarchés. Ils découvrent ou redécouvrent les produits de leur terroir », note Caroline Wilson, de l’agence Taste&Tour, qui organise des balades gourmandes en ville. En direction du nord, la petite route qui conduit à Broughgammon farm, située à Ballycastle est sinueuse et si étroite que les véhicules ne peuvent pas se croiser. Elle est sans accotements, à angle droit avec des haies brouillonnes, derrière lesquelles se dessine un bocage d’un vert insolent. Les prairies et la végétation irlandaises