Regal

Poireau à la truffe noire

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expliqué l’importance de la variété. Dans la terre rendue glaise par la pluie matinale, les choux enracinés semblent imbriqués tant ils ont déployé leurs feuilles à l’ourlet frisottant. Ils sont à coeur ouvert. « C’est avec ce chou dans toute sa plénitude, un descendant du quintal, la variété historique de la choucroute en Alsace, que nous fabriquons le fil d’or », explique Valentin. Avec son couteau, il taille une tranche dans le coeur de l’un des choux. On le déguste comme une friandise et la finale offre des notes fraîches presque mentholées et son immanquabl­e « petit goût de noisette ». Dans le champ d’à côté, les choux sont trapus, ramassés et alignés sans se frôler. Chacun reste dans son pré carré. Sous la dent, ils sont plus coriaces et moins flatteurs. « C’est le chou standard, un hybride qui a remplacé les variétés traditionn­elles, car il pousse mieux et se prête à la récolte mécanique. Dans l’assiette, il est moins tendre et plus amer », précise le choucrouti­er.

Neige de choucroute nouvelle Sur la chaîne de fabricatio­n, les choux, passent de mains en mains. Ils sont débarrassé­s de leur trognon et de leurs feuilles périphériq­ues pour ne conserver que le coeur aussi blanc que possible. De forme ovale et aplatie, d’un poids de 7 à 10 kg, le chou passe entre les lames des couteaux mécaniques. Les lanières de la choucroute fraîche filent sur le tapis roulant, passent sous une fine pluie de sel avant de tomber comme la neige dans les cuves de fermentati­on aux murs noirs. La choucroute empilée par couches et bâchée, est privée d’air. La nature prend le relais. Les bactéries maison, anaérobies, invisibles et jusqu’alors en sommeil, passent à l’attaque. Elles transforme­nt les sucres du chou en acide lactique, un agent de conservati­on efficace, permettant à la choucroute de passer l’hiver. Les restaurate­urs sont sur le qui-vive. Comme chaque année, ils attendent la choucroute nouvelle comme les premières asperges ou les premières quetsches. « Elle est tellement douce qu’on ne peut pas s’arrêter d’en manger. C’est compulsif ! », souligne Valentin avec des yeux qui ne mentent pas. S’il est devenu choucrouti­er, c’est à force d’avoir suivi son père. On l’imagine, en culottes courtes, rôdant autour des cuves de fermentati­on, guettant la choucroute nouvelle comme un Noël avant l’heure.

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