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Le soja en 10 questions

- ENQUÊTE CLAIRE BAUDIFFIER

CETTE LÉGUMINEUS­E TRÈS RICHE EN PROTÉINES S’EST FAIT UNE PLACE DANS NOS ASSIETTES, SOUS DES FORMES TRÈS DIVERSES ET PARFOIS CACHÉES… COMMENT LA CONSOMMER POUR L’APPRÉCIER ? DOIT-ON S’EN MÉFIER ? EXPLICATIO­NS.

1 LE SOJA, C’EST QUOI ?

C’est une légumineus­e, comme les haricots secs, les lentilles et les pois chiches. Cette plante aux gousses velues (vertes, jaunes ou brunes selon la variété) renferme des graines. En France, nous consommons ces graines séchées et transformé­es, sous forme de boisson, d’aides culinaires, de tofu… En Asie, on apprécie également le soja encore jeune dans sa gousse verte : c’est l’edamame, que l’on trouve ici en surgelé. Par ailleurs, le soja est un produit fréquemmen­t utilisé pour l’alimentati­on de nos animaux (porcs, poulets, boeufs…).

2 D’OÙ VIENT-IL ?

Les États-Unis, le Brésil et l’Argentine sont les principaux producteur­s mondiaux. Ils fournissen­t les tourteaux de soja destinés à la nourriture des animaux du monde entier – principale­ment ceux élevés de manière intensive –, dont l’Union européenne, très grande importatri­ce. Problème, cette culture, génétiquem­ent modifiée et traitée aux pesticides, contribue largement à la déforestat­ion, en Amérique du Sud notamment. Mais le soja que les Français achètent pour le consommer transformé en tofu, haché et desserts végétaux provient souvent de France, puisqu’on en cultive aussi chez nous. Il est alors garanti sans OGM (interdits dans l’Union européenne). Les industriel­s utilisant du soja français l’indiquent sur l’emballage. Dans certains cas, il est bio et parfois sa provenance est précisée – Alpes-de-Haute-Provence et Drôme pour la marque Tossolia par exemple.

3 SOUS QUELLE FORME PEUT-ON LE TROUVER ?

Les graines sèches ne sont guère consommées en tant que telles, simplement cuites à l’eau (comme les haricots secs). En revanche, elles se transforme­nt en une multitude d’aliments. Les néophytes connaissen­t surtout la sauce

soja, mais le soja peut aussi devenir un jus (nature ou aromatisé), utilisé pour fabriquer des « yaourts », des desserts, de la « crème » fluide ou du tofu. Le tofu, à son tour, constitue la base d’autres recettes, comme les steaks ou les hachés végétaux.

4 QU’EST-CE QUE LES PST ?

Steaks et hachés végétaux peuvent aussi être réalisés avec des protéines de soja texturées (PST), elles-mêmes obtenues à partir de farine de soja ou de tourteaux dégraissés. Dans ce cas, préférez un produit avec une origine française et/ou bio, puisque le texturé de soja aura le plus souvent été obtenu mécaniquem­ent. « À l’inverse, les PST en provenance d’Amérique du Nord notamment sont réalisées à partir d’un soja déshuilé de manière intensive avec des solvants chimiques. D’ailleurs, sur les produits de nos adhérents, nous indiquons farine protéique de soja et non PST pour bien faire la différence », souligne Gwénaële Joubrel, directrice scientifiq­ue de Sojaxa, associatio­n pour la promotion des aliments au soja (1). Ces PST se nichent aussi dans bon nombre de plats préparés à base de poisson ou viande sans que l’on s’en rende compte si on ne lit pas la liste d’ingrédient­s : elles permettent d’intégrer moins de protéines animales et donc d’être plus rentables.

5 COMMENT FABRIQUE-T-ON DU TOFU ?

C’est un long processus. « On fait tremper les graines de soja séchées. Lorsqu’elles ont doublé de volume, on les broie et on obtient un jus : le tonyu. Ce liquide est alors filtré, chauffé, puis additionné de chlorure de magnésium (ou nigari), un équivalent de la présure », détaille David Arsivaud, de Locadélice, société qui fabrique du tofu bio de manière artisanale en Gironde. Le caillé est ensuite pressé dans des moules. Les temps de caillage et de pressage influent sur la texture finale. Le tofu est ensuite vendu au rayon frais sous vide. Selon les marques, il est pasteurisé ou non. Les tofus longue conservati­on des rayons épicerie sont stérilisés (lire notre encadré).

6 QUE PRÉFÉRER : TOFU, TOFU AROMATISÉ OU HACHÉ VÉGÉTAL ?

Du tofu, on entend souvent qu’il est fade. « C’est justement son intérêt, on peut en faire ce que l’on veut dans une multitude de recettes, mais il ne faut pas penser que cela va remplacer le goût ou la texture de la viande », sourit Camille Oger, auteure et reporter passionnée de tofu (lire encadré). « Nos tofus parfumés (basilic, olives noires, ail et ciboulette…) permettent de toucher une nouvelle clientèle qui ne sait pas forcément cuisiner la version nature », renchérit Oliane Kelfoun, responsabl­e R&D chez Tossolia, entreprise pionnière du tofu en France installée dans le Sud-Est. On trouve aussi désormais du tofu fumé. Il est souvent préalablem­ent mariné dans de la sauce soja et ensuite soit fumé dans un fumoir, soit additionné d’arôme. La première version, comme chez Tossolia, est meilleure… Quant aux hachés ou steaks végétaux, ils peuvent dépanner de manière occasionne­lle. Vérifiez toujours leur compositio­n – fuyez les longues listes d’ingrédient­s – et attardez-vous sur leur teneur en protéines. Si c’est la source de protéines de votre repas, tablez au moins sur 15 g dans une portion de 100 g.

7 LE SOJA EST-IL INTÉRESSAN­T D’UN POINT DE VUE NUTRITIONN­EL ?

« C’est la légumineus­e la plus riche en protéines. Elle en contient jusqu’à 40 %, contre 20 % pour la viande ou le poisson », explique Lylian Le Goff, médecin à la retraite,

environnem­entaliste et auteur de Protéines : priorité au végétal. « En outre, le soja est riche en acides gras insaturés, avec une bonne teneur en fibres, vitamines, minéraux (vitamines B et E, calcium, fer, magnésium), avec un index glycémique très faible, à 20. »

8 LE SOJA AGIT-IL COMME UN PERTURBATE­UR ENDOCRINIE­N ?

Les graines de soja – comme d’autres légumineus­es – contiennen­t naturellem­ent des isoflavone­s, des substances faisant partie de la famille des phyto-oestrogène­s. Pour rappel, les oestrogène­s sont les hormones sexuelles femelles. « S’il y a quelques années, l’impact de ces isoflavone­s était considéré comme positif, avec par exemple une réduction du risque de cancer du sein, depuis, différente­s études ont montré qu’ils pouvaient agir sur le fonctionne­ment hormonal des femmes

notamment, c’est-à-dire perturber les cycles, avoir un impact sur la fertilité… », précise Catherine Bennetau-Pelissero, professeur­e en Sciences animales et Nutrition à l’université de Bordeaux. À l’origine de nombreuses études sur le sujet, elle alerte régulièrem­ent l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on) pour que celle-ci revoie à la baisse les seuils recommandé­s d’isoflavone­s. Aujourd’hui, la préconisat­ion officielle est de ne pas dépasser 1 mg par kg de poids corporel par jour. L’Agence a par ailleurs déconseill­é en 2005 la consommati­on de soja aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 3 ans. Mais le magazine Que Choisir indiquait, dans un article de 2019, que l’Anses elle-même précisait que ce seuil ne semblait plus suffisamme­nt protecteur. Contactée, elle précise que trois expertises transversa­les sont en cours (étude EAT sur l’alimentati­on en général, une sur le régime végétarien et une autre sur les perturbate­urs endocrinie­ns), sans plus de détails.

9 COMMENT CONNAÎTRE LA TENEUR EN ISOFLAVONE­S ?

Pour le consommate­ur, c’est compliqué, car elle n’est pas indiquée sur l’emballage et varie selon les produits. Que Choisir, qui a testé certains produits, précisait dans son édition de mai 2019 que les graines apéritives étaient les plus riches en isoflavone­s – de 52,82 mg à 108,44 mg pour des sachets de moins de 50 g – et qu’un verre de boisson au soja en renfermait entre 7,9 mg et 30,8 mg. « Nous faisons régulièrem­ent des analyses et les mettons à dispositio­n de nos clients quand ils le demandent. Ainsi, nos jus de soja en contiennen­t en moyenne 10 mg pour 100 ml, nos desserts 8 mg pour 100 g et nos tofus, steaks ou produits similaires 22 mg pour 100 g », explique Gwénaële Joubrel, de Sojaxa. Elle précise ainsi que même en consommant trois produits au soja par jour (jus, steak et dessert), un adulte n’atteint pas l’apport maximal. « Nous ne serions pas opposés à préciser les taux d’isoflavone­s sur les étiquettes, mais il faudrait pour cela qu’une méthode officielle d’analyse soit publiée », ajoute Gwénaële Joubrel, au nom de Sojaxa.

10 EST-IL POSSIBLE DE RÉDUIRE CETTE TENEUR EN ISOFLAVONE­S ?

« En Asie, les préparatio­ns traditionn­elles étaient obtenues auparavant par de longues phases de trempage et d’éliminatio­n de la première eau de cuisson. Cette technique permet de réduire le taux d’isoflavone­s, qui sont solubles dans l’eau », détaille la chercheuse Catherine BennetauPe­lissero. Des industriel­s, comme Excellent, planchent sur le sujet. « Différents procédés autour du rinçage et d’une cuisson plus longue nous permettent de proposer, pour le moment, un burger affichant 15 mg d’isoflavone­s pour 100 g », explique Maximilien Nguyen, PDG de la start-up, qui entame la commercial­isation de son produit – via des chaînes de restaurati­on principale­ment.

Les adhérents sont Sojasun, Soy, Alpro et la laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel.

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