PAS TOUJOURS EFFICACE LA DÉCLARATION D’INSAISISSABILITÉ
Pour protéger son patrimoine immobilier, l’entrepreneur individuel bénéficie d’un régime d’insaisissabilité de ses biens fonciers personnels, soit de droit, soit sur déclaration. Mais, il ne faut pas se leurrer. Cette protection n’est pas totalement infaillible.
UN PATRIMOINE TRÈS EXPOSÉ
Sauf s’il s’agit d’un EIRL, l’entrepreneur individuel n’a qu’un seul patrimoine : il n’y a pas de distinction entre son patrimoine privé et son patrimoine professionnel ; tous les deux sont confondus. Ce qui signifie que l’entrepreneur individuel répond de toutes ses dettes sur l’ensemble de ses biens. En cas de difficultés financières, ses créanciers pourront donc se faire payer sur n’importe quel bien.
CONTRER LES CRÉANCIERS
Face à cette situation dangereuse, la loi a progressivement donné les moyens à l’entrepreneur individuel de protéger de mieux en mieux son patrimoine immobilier personnel.
PREMIÈRE MESURE PRISE EN 2003. La loi « Dutreil » a instauré la « déclaration d’insaisissabilité » grâce à laquelle les dettes que l’entrepreneur individuel contracte dans le cadre de son activité ne mettent pas en péril sa résidence principale.
PUIS EN 2008. La loi « LME » (loi de modernisation de l’économie) a étendu le champ d’application de la déclaration d’insaisissabilité à tout bien foncier, bâti ou non bâti, non affecté à l’activité professionnelle de l’entrepreneur.
À L’HEURE ACTUELLE. Depuis la loi « Macron » d’août 2015, il convient de distinguer deux régimes de protection pour deux catégories de biens :
- la déclaration d’insaisissabilité n’est plus nécessaire pour protéger la résidence principale ; celle-ci est insaisissable de plein droit par les créanciers dont la créance est liée à l’activité professionnelle de l’entrepreneur. Ce nouveau régime ne s’applique toutefois qu’à l’égard des créanciers dont les droits sont nés après le 7 août 2015 ; - le principe de déclaration d’insaisissabilité par acte notarié est maintenu pour les biens fonciers, autres que la résidence principale, bâtis ou non bâtis, non affectés à un usage professionnel (ex. : une résidence secondaire). Cette déclaration qui doit être publiée au Service de publicité foncière (ex-bureau des hypothèques) n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur.
La protection désormais reconnue aux biens immobiliers de l’entrepreneur individuel souffre de plusieurs restrictions.
EN CAS DE FRAUDE FISCALE. L’insaisissabilité n’est pas opposable au fisc si celui-ci relève, à l’encontre de l’entrepreneur, soit des manoeuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.
LA POSSIBILITÉ DE RENONCER. L’insaisissabilité des droits sur la résidence principale et la déclaration d’insaisissabilité peuvent, à tout moment, faire l’objet d’une renonciation par acte notarié. La renonciation peut porter sur tout ou partie des biens ; elle peut être faite au profit d’un ou plusieurs créanciers (ex. : une banque n’accepte d’accorder un prêt à un entrepreneur qu’à condition qu’il renonce à l’insaisissabilité de sa résidence principale). La renonciation peut elle-même, à tout moment être révoquée, mais cette révocation n’aura d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naîtront postérieurement à sa publication.
EN CAS DE LIQUIDATION JUDICIAIRE DE L’ENTREPRISE INDIVIDUELLE. La déclaration d’insaisissabilité ne joue évidemment pas à l’égard des créanciers envers lesquels elle est inopposable (voir encadré). Un créancier pourra donc saisir, ou non, le bien selon la date à laquelle sont nés ses droits. ■
Sources. C. com. art. L. 526-1 à L. 526-3, R. 123-37 et R. 526-1