DÉLÉGATION DE POUVOIRS INEFFICACE POUR UN GÉRANT DE FAIT
Un dirigeant de fait ne peut pas limiter sa responsabilité pénale en invoquant une délégation de pouvoirs limitant ses attributions.
MÉCANISME DE LA DÉLÉGATION DE POUVOIRS
INTÉRÊT POUR LE DIRIGEANT. Les délégations de pouvoirs permettent au dirigeant de s’exonérer des sanctions pénales qu’il encourt du fait des infractions commises dans le cadre de l’activité de l’entreprise ; si une infraction est constatée, la condamnation pénale est in igée au salarié délégataire et non au dirigeant.
Attention. Le dirigeant ne peut toutefois pas déléguer l’intégralité de ses pouvoirs. Une délégation de pouvoirs doit ainsi être limitée et con ée à une personne e ectivement dotée des compétences, de l’autorité et des moyens requis.
LA DÉFENSE QUE PEUT INVOQUER LE SALARIÉ DÉLÉGATAIRE. De son côté, le salarié délégataire peut échapper à la condamnation en démontrant que l’infraction a été commise dans le cadre d’une activité de l’entreprise dont la responsabilité ne lui a pas été con ée. Par exemple, un salarié auquel a été con é le respect des règles d’hygiène et de sécurité ne sera pas condamné si une fraude scale est constatée. La sanction sera alors in igée au dirigeant, ou éventuellement à un autre salarié auquel le dirigeant aura délégué ses pouvoirs en matière scale et comptable.
EN PRÉSENCE D’UN DIRIGEANT DE FAIT. La situation se complique lorsque le salarié titulaire d’une délégation de pouvoirs se comporte comme un dirigeant de fait, c’est-à-dire qu’il gère la société à la place du dirigeant de droit. Ce dirigeant de fait peut-il invoquer la délégation de pouvoirs limitée qu’il détient en tant que salarié, pour échapper à la responsabilité pénale qu’il encourt en cas d’infraction commise par la société ? Les juges ont récemment tranché cette question. Et la réponse est défavorable au dirigeant de fait.
UNE HISTOIRE VRAIE
IDÉLÉGATION INVOQUÉE PAR UN DIRECTEUR TECHNIQUE. Une société fait l’objet d’une véri
cation de comptabilité qui révèle que sa déclaration de résultats n’a pas été déposée et que ses déclarations de TVA n’ont pas été souscrites pendant 2 ans. Poursuivi pour délit de fraude scale, le directeur technique invoque la délégation de pouvoirs qui lui a été octroyée par la gérante en titre de la société ; cette délégation ne visant pas les tâches administratives, et notamment les déclarations scales, le directeur technique estime que sa responsabilité pénale ne peut être retenue.
UN DIRECTEUR TECHNIQUE AUSSI GÉRANT DE FAIT. Pour contrer l’argument du directeur technique, le sc fait valoir que ce salarié est aussi dirigeant de fait de la société. Le
sc a démontré que :
- la gérante de droit n’avait eu aucune activité e ective au sein de la société ;
- le directeur technique assurait seul la gérance de la société depuis sa formation ; - son épouse avait la signature bancaire et agissait à sa demande.
Le sc a aussi souligné que, lors du contrôle, le directeur technique avait donné toutes les explications utiles, comme l’aurait fait un dirigeant en titre.
SANCTIONS PÉNALES POUR LE DIRIGEANT DE FAIT. Les juges sont convaincus par le sc : certes le directeur technique est un salarié titulaire d’une délégation de pouvoirs limitée qui aurait pu l’exonérer, mais seulement s’il s’était contenté d’être salarié. En tant que dirigeant de fait, il n’est pas protégé par cette délégation de pouvoirs. Il est condamné à 2 ans de prison avec sursis et 3 ans d’interdiction professionnelle pour fraude scale, passation d’écriture inexacte ou ctive dans un document comptable. Source. Cass. crim. 22 mars 2017, n° 16-81337