Identifiez et appliquez votre convention collective
La convention collective régit vos rapports avec vos salariés, peu importe leur nombre (un seul salarié su t). La convention à appliquer correspond à votre activité principale. Mais ce principe des plus simples peut cacher des situations sujettes à discussion. Par ailleurs, il vous faut veiller à bien appliquer ses dispositions, sous peine de vous retrouver en litige avec un salarié.
À quoi servent les conventions collectives ?
La plupart des secteurs d’activité (ou « branches professionnelles ») sont dotés d’une convention collective nationale (CCN). Négocié par les organisations patronales et par les syndicats, ce texte définit les conditions de travail des salariés dans le secteur en question.
Ainsi, la convention collective établit notamment la classification des emplois et fixe les salaires minimaux. Elle peut aussi accorder aux salariés des avantages non prévus par la loi (ex. : 13e mois, congés spécifiques, etc.) ou étendre leurs droits (ex. : congés plus longs, maintien de salaire en cas de maladie).
Appliquer une convention collective : est-ce obligatoire ?
APPLICATION IMPÉRATIVE DANS 3 SITUATIONS. Vous devez appliquer une convention collective donnée sans pouvoir y déroger si :
1. Vous êtes adhérent à l’une des organisations patronales qui a signé la CCN (sous réserve, bien entendu, que votre activité corresponde à celle visée par la convention). Attention, si vous quittez ensuite cette organisation, vous restez lié par la convention et les accords qu’elle a pu conclure avant. En revanche, vous n’aurez pas à appliquer les avenants éventuels ultérieurs, sauf s’il s’agit de textes d’application ;
2. La CCN en question concerne votre secteur d’activité et a fait l’objet d’un arrêté d’extension par le ministère du Travail ; 3. Vous appartenez à un secteur d’activité dans lequel aucune CCN a été négociée. Le ministère du Travail a décidé d’ « élargir » à votre secteur une convention collective conclue dans un secteur proche. Vous devez alors l’appliquer, même si elle ne correspond pas à votre activité.
Restent les entreprises qui ne relèvent d’aucune convention collective. Si tel est votre cas, vous n’êtes alors soumis qu’aux dispositions du code du travail.
Précision. Vous pouvez retrouver la liste des CCN sur « https://travail-emploi.gouv.fr/ dialogue- social/ negociation- collective/ article/conventions-collectives-nomenclatures ».
APPLICATION SOUS PEINE DE SANCTIONS. Méconnaître la convention collective applicable peut coûter cher. Si vous n’appliquez pas de CCN alors qu’il en existe une qui correspond à l’activité de votre entreprise ou si vous n’appliquez pas la bonne convention collective, un salarié pourrait saisir la justice pour vous contraindre à respecter vos obligations.
Exemple. Un employeur se voit réclamer par un de ses salariés un rappel de prime d’ancienneté sur 3 ans. Il découvre à cette occasion que son activité est couverte par une convention collective qui prévoit notamment le paiement de cette prime en plus du salaire. Il devra ainsi la verser à son salarié pour les 3 années passées et pour l’avenir, alors même qu’aucune clause du contrat de travail ne l’indique. Sans compter le fait qu’il risque de se trouver confronté à des demandes identiques (avec les mêmes conséquences) de la part de ses autres salariés.
Identifiez votre zone géographique
UN OU PLUSIEURS NIVEAUX. Le plus souvent, les conventions collectives ont un champ d’application national. Mais il faut savoir que, selon votre lieu d’implantation, vous pouvez également vous retrouver soumis à des conventions collectives régionales ou départementales. Cette pratique est courante dans la métallurgie et dans le BTP.
À noter. À l’avenir, le nombre de ces textes « locaux » devrait néanmoins se réduire, les pouvoirs publics cherchant à les fusionner avec des conventions nationales, dans un souci de simplification (voir encadré p. 17). ARTICULER LES NIVEAUX. Par hypothèse, pour un secteur d’activité donné (voir ci-après), une convention collective nationale a vocation à s’appliquer à toutes les entreprises implantées en France. Selon la même logique, lorsque la convention collective a un champ d’application restreint (région, département), elle ne s’applique qu’aux établissements autonomes situés dans le périmètre en question.
Parfois, vous pouvez donc relever en même temps de plusieurs textes avec, d’une part, une CCN valable pour toute l’entreprise et, d’autre part, des conventions ou des accords régionaux qui ne s’appliquent qu’à certains établissements, selon leur implantation.
Identifiez votre activité
IDENTIFIEZ VOTRE ACTIVITÉ RÉELLE. Vous êtes soumis à la CCN qui correspond à votre activité principale « réelle ». Peu importe ce que prévoient, par exemple, les statuts de votre entreprise : seule compte l’activité réellement exercée.
Exemple. Selon son activité réelle, une croissanterie relèvera de la boulangerie ou de la restauration rapide.
AIDEZ-VOUS DE VOTRE CODE APE. De nombreuses conventions collectives définissent leur champ d’application en indiquant qu’elles couvrent les entreprises relevant de tel ou tel code APE (activité principale exercée), selon la nomenclature établie par L’INSEE. Vous pouvez ainsi vérifier si, compte tenu de votre code APE, vous entrez bien dans le champ de la CCN. Ce n’est toutefois qu’un indice. Une fois encore, votre activité réelle prévaut sur le code APE.
À noter. Si le code APE qui vous a été attribué ne correspond pas à votre activité, n’hésitez pas à le faire modifier auprès de L’INSEE.
RETENEZ VOTRE ACTIVITÉ PRINCIPALE. L’activité principale de votre entreprise est celle que vous devez retenir. La plupart du temps, c’est simple. Pour identifier votre activité principale, la structure du chiffre d’affaires constitue ainsi un élément déterminant. Toutefois, pour les entreprises appartenant au secteur industriel, du fait de l’importance de la main-d’oeuvre, il vaut mieux prendre en considération la répartition des salariés.
D’autres critères peuvent entrer en considération, selon les circonstances. Par exemple, si votre activité se partage entre prestations d’expertise et prestations de formation, vous pourrez vous fonder sur la répartition du temps de travail de vos salariés.
PLURALITÉ D’ACTIVITÉS. Sauf si elles sont nettement différenciées, lorsque vous avez plusieurs activités, vous n’appliquez qu’une seule CCN, celle qui correspond à votre activité principale. Une (rare) exception : s’il existe dans votre entreprise une activité autonome et nettement différenciée, vous appliquez à cette seule activité la convention collective qui lui correspond et non celle résultant de l’activité principale.
Par exemple, les juges ont estimé, dans une entreprise exploitant des bars et des restaurants dans un aéroport et relevant à ce titre de la CCN des hôtels, cafés et restaurant, que l’employeur devait appliquer la CCN de la restauration de collectivité à son activité de préparation et de portage des repas dans les avions, cette activité étant autonome.
QUAND LE CHOIX EST POSSIBLE. Parfois, deux conventions collectives, généralement dans des secteurs proches, comportent chacune une clause d’option, qui permet aux entreprises de choisir, entre elles, celle qui leur correspond le mieux.
Mais souvent, dans cette situation, vous n’êtes pas tout à faire libre de votre choix, les conventions fixant les critères en fonction desquels l’entreprise doit être considérée comme relevant d’une activité plutôt que d’une autre.
Ce mécanisme d’option se rencontre également en cas de mise en place d’une nouvelle CCN : vous pouvez ainsi appliquer la nouvelle convention ou continuer à appliquer l’ancienne.
Informez vos salariés
Vous devez informer vos salariés et le cas échéant, vos représentants du personnel (CSE) des textes conventionnels applicables dans votre entreprise. La convention collective elle-même peut définir les modalités de cette information. À défaut, vous délivrez à chaque salarié, au moment de son embauche, une notice indiquant ces textes. Vous devez également tenir un exemplaire à jour de ces textes à la disposition de vos salariés dans votre entreprise (ex. : sur un panneau d’affichage) et sur l’intranet. Enfin, vous devez en fournir un exemplaire aux éventuels représentants du personnel.
MENTION SUR LES FICHES DE PAIE. C’est une des mentions obligatoires du bulletin de paie : l’intitulé de la convention collective de
branche applicable au salarié doit être porté sur chaque bulletin que vous lui délivrez. Si jamais aucun accord collectif de branche n’est applicable, vous devez indiquer la référence au code du travail pour les dispositions relatives à la durée des congés payés du salarié ainsi que des délais de préavis en cas de rupture du contrat de travail. Précision. En l’absence de mention de la convention collective applicable ou en cas de mention erronée, le salarié peut vous demander réparation, à condition toutefois de démontrer qu’il a subi un préjudice du fait de cette omission ou de cette erreur.
Deux moments clés pour consulter votre convention collective
QUAND VOUS ENVISAGEZ UN LICENCIEMENT. Il n’est pas rare que les conventions collectives encadrent les procédures de licenciement, en ajoutant des garanties supplémentaires au profit des salariés : délais spécifiques, contraintes de procédure supplémentaire… Vous pouvez ainsi être contraint de :
- saisir une commission de discipline ; - faire connaître au préalable à votre salarié son dossier disciplinaire ;
- en cas d’insuffisance de résultats, tenir un entretien afin d’étudier les moyens de remédier à cette situation.
En pratique. Gare à la sanction. Selon les cas, ne pas respecter ces étapes peut constituer une irrégularité de procédure qui ne remet pas en cause à lui seul le licenciement (mais vous expose tout de même à verser des dommages-intérêts). Mais parfois, cela peut carrément invalider le licenciement. Dans le passé, les juges ont considéré que tel était le cas lorsque l’employeur avait omis de notifier par écrit au salarié, avant l’entretien préalable au licenciement disciplinaire, les motifs de la mesure envisagée ou encore n’avait pas respecté le délai maximal de notification du licenciement, plus court que le délai légal.
QUAND UN SALARIÉ EST EN ARRÊT DE TRAVAIL. Lorsqu’un salarié se retrouve en arrêt pour maladie ou accident, professionnel ou non, vous pouvez être tenu, légalement ou par la convention collective, de lui maintenir une fraction de sa rémunération. Cette indemnisation complète les indemnités journalières versées par la sécurité sociale. De ce point de vue, la convention collective peut prévoir des règles plus favorables que la loi en matière d’indemnisation complémentaire, tant du point de vue de l’ancienneté requise que de la durée et du niveau du maintien de salaire.
Attention, certaines conventions collectives appliquent encore une condition d’ancienneté et/ou un délai de carence moins favorable que la loi.
Lorsque ce cas se présente, et dans l’attente d’éventuelles modifications conventionnelles, vous devez appliquer la disposition la plus favorable pour le salarié. Comment faire en pratique, notamment lorsque les dispositions conventionnelles prévoient une indemnisation plus favorable au salarié sur certains points et moins favorable sur d’autres (ex. : suppression de la condition d’ancienneté mais taux de maintien de salaire plus faible que la loi) ? La comparaison se fait en principe globalement. Vous devez donc déterminer pour le salarié la disposition globale qui lui est la plus favorable (code du travail ou convention collective), et vous l’appliquez exclusivement, sans panacher les avantages des deux systèmes. ■