Rock & Folk

Le Golf, unique en son genre, n’était pas une cave !

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J’ai donc été parfois déçu. Oui, ce type avec sa veste à rayures et ses cheveux dans le dos était un minet déguisé qui ne savait pas qui était Jeff Lynne ou Luther Grosvenor. Il ne venait là que pour danser ! Mais les fringues, quelle affaire ! Malgré l’époque hippie et sa tendance au laisser-aller, la clientèle du Golf était sapée. Une sorte de continuati­on de la tradition minet/ mod adaptée à l’air du temps baba. On ne rigolait pas avec ça. Le look 1970 ? Façon pop star, évidemment. Toute une bande de petits Rolling Stones habillés par Campton, boulevard SaintMiche­l et, donc, Western House. Western House ! Les meilleurs (dont Polnareff et les Variations) ne se fournissai­ent que là. On y trouvait ces jeans boutonnés dans le bas, ces boléros en daim, ces ceinturons comme Jagger à Hyde Park et ces pelisses afghanes qui nous étaient indispensa­bles. Et des boots à talons ! Le maître, The Face, c’était Ronnie. Qui allait devenir chanteur de Quo Vadis. Ronnie n’était pas très malin, avec le recul, quelque peu grêlé, mais... quelle dégaine impression­nante ! C’est sur lui que je vis mes premières boots en peau de serpent. “Chez King’s Road, mec. Granny.” M’avait-il lâché avec un naturel confondant. Et il y avait... mais j’ai honte d’avoir oublié tant de prénoms. Ce fan de Johnny Winter albinos, ce black sapé comme Sly, ce garçon un peu replet mais si attachant. Celui qui ne portait que des bottes de cheval (comme les VIP’s !) Mais... mon meilleur ami, je m’en souviens. A tout seigneur, tout honneur, c’était Daniel. Blond comme Alvin Lee, il était évidemment l’heureux possesseur d’une 335 rouge (copie Ibanez...) inspirée du maître. C’est avec lui que je devais monter mon premier groupe. Manhattan Transfer. Le bassiste s’appelait Guy. Il avait une Musicmaste­r Fender et un look digne de Humble Pie. Avec eux, mon Manhattan Transfer essaya de recruter l’excellent Christian Boulé. Au bistro, lors d’une première rencontre, tout allait bien. J’évoquais Sonny Sharrock et les mesures composées, la nécessité d’inclure du free dans notre Procol Harum. Un programme bien ambitieux... qui séduisit notre Christian. Un vrai pro à Gibson SG, qui devait d’ailleurs rejoindre Gong quelque temps plus tard. Un vrai pro qui ne fut séduit qu’un temps. Dès la première répétition (rue Quincampoi­x, l’ancêtre de tous les studios loués), il comprit que... j’étais surtout un beau parleur. Et que à part Guy, nous jouions comme les proverbial­es crêpes. Une humiliatio­n que je ne devais jamais oublier... Aujourd’hui encore, quand je croise le fer avec une pointure (salut amical à Philippe Almosnino), j’ai ce pressentim­ent d’une possible honte qui remonte et me serre. Pleins d’amis et de filles donc. Il y eut le dimanche après-midi. Il y eut le samedi soir — mon père commençait à renoncer à faire quelque chose de moi, et je ne lâchais pas un pouce de terrain — et puis le Graal : Le vendredi soir. Le vendredi, oui, c’était le jour du fameux Tremplin ! Quatre groupes se disputaien­t l’honneur de gagner le fameux diplôme du Golf Drouot. Et parfois, souvent, ils avaient fait des centaines de kilomètres pour cela. Introversi­on, Voyage, Sade Heaven Road... les noms remontent... Evidemment, nous y passions la nuit en attendant le premier métro. Parfois, quand les finances nous le permettaie­nt, avant d’entrer au Golf, nous dînions chez Chartier ou au Wimpy Jacques Borel. Juste en face. Bientôt, je devins un profession­nel (laissez-moi rire, oui) et je ne payais plus ma quote-part pour entrer au Golf. Pire encore, Henri Leproux me demanda de faire partie du jury qui décernait le fameux diplôme. Je m’acquittais mollement de cette tâche. La plupart des groupes étaient alors devenus d’infâmes babas. Ou des jazz-rockers. Le wagon glam et punk entrait en gare et celui-là, le Golf Drouot le rata. Pour la première fois de son histoire, le Golf n’était plus synchrone... Et je n’étais pas là en ce jour héroïque où les Dogs première période, avec Zox et Péchenart, envahirent le Tremplin. Ils étaient alors managés par Philippe Manoeuvre... Et arrivèrent bons derniers, déchirèren­t le parchemin “a joué au Golf” distribué à tout participan­t, détruisire­nt la loge et créèrent un scandale certain. Je devais néanmoins nettement me rattraper quelque deux ans plus tard. Le punk rock alors avait déferlé. Enfin, façon de parler. En France, en ce doux mois de septembre 1977, il n’y avait encore que Stinky Toys, Métal Urbain et Asphalt Jungle à pouvoir prétendre au label. Asphalt et Métal étaient alors comme frères et compagnons de lutte. Ce qui ne devait, à vrai dire, guère durer. Rikky Darling jouait dans les deux groupes.

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