Naomi Shelton
& The Gospel Queens
“Cold World” DAPTONE/DIFFER-ANT Sanctuaire de la soul ayant toujours assumé son anachronisme, Daptone est en passe de s’inscrire comme le digne héritier de ses illustres inspirateurs. Le catalogue du label new-yorkais aligne une série d’albums de premier choix plus vue depuis l’âge d’or de Stax ou des studios Muscle Shoals, et ce “Cold World” n’y déparera en rien. Originaire de l’Alabama, Naomi Shelton chantait dans les clubs de Brooklyn depuis quelques décennies lorsqu’un premier album pour Daptone en 2009, à l’âge de 66 ans, lui procura une reconnaissance tardive et changea le cours de sa carrière. L’histoire rappelle celle des autres vedettes du label, Sharon Jones et Charles Bradley, mais Shelton opère sur un versant musical sensiblement différent. Sa soul est toute entière charpentée sur les structures du gospel, que Ray Charles, Sam Cooke ou les Staple Singers sortirent de l’église à la fin des années 50 pour transporter ses vertus euphorisantes dans les salles de danse. Comme toujours avec Daptone, le son est millésimé, l’interprétation chirurgicale. L’album est produit par le boss Bosco Mann et compte la présence de Fred Thomas, légendaire bassiste de James Brown. Shelton elle-même possède un timbre rauque, habité, qui contraste avec les contre-chants angéliques des Gospel Queens, dans des jeux de question/ réponse imparables. L’écriture rivalise avec les standards passés et l’on s’émerveillera notamment de “Get Up, Child”, sa ferveur droit sortie d’une église sudiste avec doublement de tempo terrassant à 2’20, “Heaven Is Mine”, “I Earned Mine” ou “It’s A Cold, Cold World”, propulsé par une ligne de basse à faire se dandiner Jésus, Judas et le reste des apôtres. BERTRAND BOUARD