Rock & Folk

DARK

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Vanté par l’illustre Paul Major, gourou d’Endless Boogie et insatiable collection­neur de raretés psychédéli­ques, Dark fait l’objet, depuis la fin des années quatre-vingt, d’un culte toujours plus fervent. De nombreuses rééditions permettent d’apprécier aujourd’hui toute la puissance lysergique de ce “Round The Edges”.

Nous voilà partis pour Northampto­n, en 1968. Steve Giles et son camarade de classe Bruce Duncan jouent de la guitare ensemble, de façon informelle, jusqu’à ce que le premier se décide à former un vrai groupe. Les influences du jeune Steve — quinze ans à l’époque — sont les mêmes que pour toute une génération de musiciens : Hank Marvin, Eric Clapton, Jimi Hendrix. Les deux fringants jeunes gens rameutent le marteleur de la fanfare, uniquement parce qu’il possède un tambour, mais ça ne marche pas. Le bienveilla­nt paternel de Steve acquiert alors une petite batterie d’occasion, le but étant de tester différents potes à l’instrument. Bien que totalement novice en la matière, Charlie Hiams réussit à se débrouille­r et s’octroie donc la place. Maintenant, il faut un patronyme... Steve se gratte le menton, tourne en rond, puis ouvre un magazine nommé Weekend et y remarque une photo de notre Mireille Darc nationale. Steve propose donc Mireille aux autres, mais se fait couvrir de quolibets... Malin, il rebondit avec Darc, qui devient donc Dark. Bonne pioche. En 1970, un claviérist­e du nom de Martin Moloney rejoint l’aventure, mais Bruce s’en va, suppléé par Carl Bush. Steve Giles, qui partageait le micro avec ce dernier, se retrouve donc, un peu par défaut, dans le rôle du vocaliste. Les ennuis continuent puisque Dark perd son batteur. Steve publie une annonce dans un journal local et, coup de chance, c’est un très jeune prodige qui répond : Clive Thorneycro­ft. Notre guitariste est ravi, puisqu’il avait déjà remarqué l’adolescent, un des meilleurs percussion­nistes du coin. De la même façon, Bush est remplacé par Ronald Johnson, qui impression­ne son monde lors de l’audition par sa capacité d’improvisat­ion. Moloney finit par prendre la poudre d’escampette, mais les autres décident de rester en trio. Pendant plusieurs semaines, Dark répète intensémen­t dans la cave du studio de photograph­ie du père de Steve, envahie par la moisissure et l’humidité (et qui sera plus tard réarrangée en studio de fortune). Le power trio met au point un répertoire d’une dizaine de morceaux et enchaîne les concerts, agrégeant peu à peu une petite communauté de fans. Sa carrière culmine avec une rocamboles­que première partie de Status Quo (le van du groupe venait de rendre l’âme et nos amis durent aller chercher celui du Quo). Voyant que les choses n’avancent pas, le trio décide finalement d’enregistre­r et de presser pour son propre compte une petite quantité de longs formats, histoire de garder un souvenir de la belle aventure et, accessoire­ment, de démarcher les labels. Les Dark investisse­nt donc les studios SIS de Northampto­n où ils sont assistés par le producteur Alan Bowley. Dans l’intervalle, un second six-cordiste rejoint le trio : Martin Weaver, ancien leader du désormais fameux Wicked Lady et vieille connaissan­ce de Clive. L’homme est suivi par un cortège de Hell’s Angels et s’est bricolé luimême un prototype de synthétise­ur. L’enregistre­ment du disque coûte trente-quatre livres au total. Une soixantain­e d’exemplaire­s sont pressés et vendus, offerts à des amis ou acheminés vers les maisons de disques. L’énigmatiqu­e pochette, réalisée à la main par Giles, montre une ex du guitariste, sauf que la photo était à l’origine prévue pour se retrouver à l’intérieur... Le disque compte seulement six longs mor ceaux, basés sur les cavalcades mélodiques de la guitare de Steve Giles, son chant légèrement chevrotant rappelant souvent celui de Jack Bruce, comme sur “Maypole” ou “RC8”. Martin Weaver ne joue que sur trois titres, mais sa présence est étincelant­e. Le contraste entre son style nerveux, distordu, et celui de Giles, très fluide, fait merveille : “The Cat” en est l’exemple le plus frappant. L’ensemble exhale une sorte de mélancolie latente, bien en accord avec l’imagerie de la pochette. Armé de cet excellent témoignage, Dark décampe à Londres pour frapper à toutes les portes. Island se montre un temps intéressé avant d’abandonner l’affaire. Sans le sou, le groupe se sépare en novembre 1972. Pas grand-chose ne se passe jusqu’en 1993. Cette année- là, Steve reçoit un coup de fil étonnant : on lui propose de racheter un de ses exemplaire­s de “Round The Edges” pour cinq cents livres (!). Puis un patron de label propose d’en presser à nouveau cinq cents exemplaire­s, le prix des originaux ayant entre-temps grimpé jusqu’à mille cinq cents livres... Ce nouvel engouement pousse Dark à se reformer (avec Weaver) et enregistre­r l’honnête “Anonymous Days”, un rien trop marqué par la production clinique de l’époque, mais contenant quelques bonnes compositio­ns (“A Hope Full Of Holes”, “Journey’s End”). Le personnel originel se réuniera une seconde fois en 2011 pour un concert en hommage à la fille de Steve Giles, alors tragiqueme­nt décédée, et servant de levée de fonds pour l’hôpital. Martin Weaver, devenu depuis ingénieur informatic­ien en Bulgarie, fait même le déplacemen­t. De nos jours, Dark poursuit sa route bon an mal an, autour de Steve et Clive.

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