Rock & Folk

BOBBY WOMACK

- PHILIPPE THIEYRE

est mort le 27 juin en Californie. C’était un des grands noms de la soul et du rock, un compositeu­r, un chanteur et un guitariste remarquabl­e au destin étonnant.

Troisième enfant dans une famille de cinq garçons où la musique est omniprésen­te, Robert Dwayne Bobby Womack est né le 4 mars 1944 à Cleveland (Ohio). Friendly Jr (né en 1941), Curtis (en 1943), Harry (le 25 juin 1945), Cecil, (le 25 septembre 1947) et Bobby sont formés à l’école du gospel par leur père, pasteur et musicien, et leur mère, organiste. Fort logiquemen­t, avec le soutien des parents, les Womack fondent un groupe de gospel simplement nommé les Womack Brothers. Après un premier single dès 1954, “Buffalo Bill”/ “Bible Tells Me So” sur Pennant, ils sont repérés en 1956 par Sam Cooke, qui engage également Bobby comme guitariste pour son propre groupe. En 1962, créateur du label SAR, Cooke les incite à changer de nom, adoptant celui de Valentinos, et à délaisser le gospel au profit de la soul. Ils sortent ainsi une série de 45-tours SAR dont les versions originales de “Lookin’ For Love” en 1962 et, en 1964, “It’s All Over Now”, écrit par Bobby & Shirley Womack, une de ses belles-soeurs. Un mois après son entrée dans le bas des charts US, “It’s All Over Now” est repris par les Rolling Stones qui en font leur premier n° 1 en Angleterre. Au départ, Bobby Womack n’était pas enthousias­te à l’idée que les Stones enregistre­nt sa chanson. Finalement, il s’est laissé convaincre et, après avoir reçu le chèque de droits d’auteur, il leur propose d’en écrire autant qu’ils veulent... Le 11 décembre 1964, c’est le drame : Sam Cooke est assassiné dans un motel de Los Angeles. Le label SAR est dissous et trois mois plus tard Bobby Womack épouse la veuve de Sam Cooke, Barbara Campbell, quittant les Valentinos. Le groupe continuera à se produire et enregistre­r jusqu’à la mort de Harry en 1974, poignardé par sa compagne. Cecil, lui, les avait quittés en 1968 au moment de son mariage avec la chanteuse Mary Wells. Plusieurs chansons ultérieure­s des Valentinos seront reprises avec succès par d’autres artistes, “I Found A True Love”, “Everybody Wants To Fall In Love”, “Tired Of Being Nobody”. Le mariage de Bobby et de Barbara va être très mal perçu. Sam Cooke était devenu un des symboles de la communauté noire grâce à des titres comme “A Change Is Gonna Come” ou “Chain Gang”, et par son implicatio­n dans le mouvement des droits civiques. Certains producteur­s et artistes n’hésiteront pas à ostraciser Bobby Womack pendant de longues années. Les membres des deux familles, eux non plus, n’acceptent pas bien cette union. Bobby Womack a même droit à un cassage de gueule en règle. En 1976, Barbara et Bobby se séparent lorsqu’elle découvre que ce dernier couche avec Linda, la fille qu’elle a eue avec Sam Cooke. Après son divorce avec Mary Wells, en 1977, Cecil Womack se mariera avec Linda Cooke, née le 25 avril 1953, formant le duo Womack & Womack qui, non seulement, composera de nombreux hits, notamment pour Teddy Pendergras­s et le Philadelph­ia Sound, mais sortira également sept albums sous ce nom dont les superbes “Love Wars” (Elektra US 83) et “Conscience”, avec le hit “Teardrops” (Island US 88). De son côté, Mary Wells ira vivre avec Curtis Womack. Tout cela n’empêchera pas les Womack de participer aux disques des uns et des autres. En attendant, Bobby Womack est un compositeu­r et un guitariste trop talentueux pour rester sans emploi. Recruté par Chips Moman pour l’American Sound Studio à Memphis, il joue sur des disques des Box Tops, Joe Tex, Aretha Franklin, Petula Clark et autres. Il collaborer­a également au “There’s A Riot Goin’ On” de Sly & The Family Stone et à “Pearl” de Janis Joplin. Wilson Pickett soutient Womack et enregistre nombre de ses titres (“Midnight Mover”). Après trois singles, Bobby sort un premier album solo enregistré dans ce même studio en 1968 : “Fly To The Moon”, avec une reprise de “California Dreamin’ ” des Mamas & Papas (Minit US 68). Au total, Bobby Womack sortira une trentaine d’albums, du meilleur au plus anodin, dont voici une sélection : “Communicat­ion”, premier hit avec “That’s The Way I Feel About Cha” (UA US 70) ; “High Contrast” en collaborat­ion avec le guitariste Gabor Szabo, incluant “Breezin’ ” (Blue Thumb US 71) ; “Understand­ing” avec “I Can Understand It” , “Woman’s Gotta Have It” écrit par Linda et Bobby, et “Harry Hippie” (UA US 72) ; “Across 110th Street” BO du film (UA US 72) ; “Facts Of Life” (UA US 73) ; “Lookin’ For A Love Again”, avec une nouvelle version à succès de “Lookin’ For A Love” (UA US 74) ; “The Poet”, avec le hit “If You Think You’re Lonely Now” (Beverly Glen Music US 81) ; “The Poet II” (Beverly Glen US 84). Après “The Poet”, accro à la cocaïne depuis la fin des années 70, Bobby Womack, tout en continuant d’enregistre­r, voyait sa carrière s’effilocher. Ayant décroché de son addiction, il se relance grâce à l’appui des Rolling Stones Ron Wood, Charlie Watts et Keith Richards, toujours reconnaiss­ants envers les musiciens qui les ont influencés. D’autre part, Womack avait contribué à trois albums de Ronnie Wood dont “Now Look” en 1975, ainsi qu’à “Dirty Work” (1986) et “Voodoo Lounge” (1994), des Rolling Stones ; “Resurrecti­on” où l’on retrouve Rod Stewart et les Valentinos (Continuum US 94) ; “Back To My Roots”, un album gospel (Right Stuff/ Capitol US 99). En 2010, il est invité par Damon Albarn sur “Plastic Beach” de Gorillaz. “The Bravest Man In The Universe” produit par Damon Albarn et un titre avec Lana Del Rey (XL US 012). Avec les participat­ions d’Albarn, Stevie Wonder, Snoop Dogg, Eric Clapton, Ron Wood, un nouvel album devrait sortir dans le courant de l’année. Souffrant à la fois d’un cancer, du diabète et d’un début d’Alzheimer, Bobby meurt un an après Cecil. Compilatio­n : “Midnight Mover-The Bobby Womack Collection” (EMI US 93).

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