“The Pink Floyd & Syd Barrett Story”
On n’est certes pas infaillibles, mais il y a des domaines et des sujets à propos desquels on n’est pas facile à berner. Syd Barrett, par exemple, et le Floyd des débuts. Lorsqu’on nous annonce la parution d’un “nouveau” DVD consacré, en majeure partie, à l’ange fondateur du groupe, on se méfie. Que ceux qui lisent cette rubrique depuis une quinzaine d’années ne s’emportent surtout pas : “The Pink Floyd & Syd Barrett Story” n’est que la réédition d’un double DVD déjà sorti en 2005, qui était lui-même celle d’un simple de 2003 dont la parution avait suivi la diffusion par la BBC du même documentaire, sans ses bonus. Cette chronique s’adresse donc d’abord à ceux qui ne seraient pas familiers de la vie et l’oeuvre de Syd Barrett (et le early Floyd), très bien appréhendées dans ce documentaire produit et dirigé par John Edginton, avec l’aval des trois autres membres, présents au micro dans les bonus. Le premier DVD contient donc le docu et l’interview, longue de près d’une heure, de Roger Waters. Edginton, à qui on doit également “The Story Of Wish You Were Here” de 2012, s’appesantit logiquement sur la genèse du groupe et fait parler les personnalités clef parmi lesquelles Bob Klose, guitariste qui l’a quitté en 1965, l’année de sa formation. L’histoire narrée va des balbutiements à Cambridge à la dernière rencontre de Barrett avec Pink Floyd, en passant par la signature du groupe avec EMI, le crash mental de Syd, sa tragique éviction, la carrière solo erratique qui a suivi et son retour à une vie végétative. Le son (5.1) et l’image (16/9) sont d’excellente facture et l’interview complémentaire de Waters est livrée dans sa version longue (alors que certaines éditions précédentes la proposaient sensiblement écourtée). Pas exactement réputé pour sa sensibilité, le bassiste à qui, pour les mauvaises langues, le pétage de plombs en règle de Barrett profita le plus — il devint ensuite, et avant que David Gilmour prenne les commandes du groupe, le principal songwriter — s’abandonne à d’assez troublantes confessions, et on en apprend pas mal sur la nature exacte de ses relations avec Syd. Le second DVD abrite les interviews des trois autres membres — Rick Wright est décédé depuis, en 2008 — et les propos de David Gilmour (interrogé chez lui, dans sa pièce à musique), qui s’étend naturellement sur son intégration, précipitée par les absences (aux sens propre et figuré...) de Barrett, sont riches d’enseignements. Le guitariste revient également sur la naissance du riff de “Wish You Were Here”. De loin le plus rationnel des trois, et seul membre de Pink Floyd à en avoir toujours fait partie, Nick Mason analyse, sans langue de bois et avec une touche d’humour, le contexte et les conséquences du départ de Barrett. Très réservé de nature, Rick Wright se confie à mots dosés dans sa section et raconte que le cramage des méninges de Barrett est le résultat d’une absorption massive de drogues sur une très courte période, et non la conséquence de prises répétées consécutives à une quelconque accoutumance. Enfin, Robyn Hitchcock (The Soft Boys) et Graham Coxon (Blur), deux grands fans de Syd devant l’Eternel, y vont de leur hommage musical et poussent la reprise barrettienne dans ses retranchements (“Dominoes” et “It’s Obvious” pour l’un, “Love You” pour l’autre). En revanche, et c’est plutôt curieux lorsqu’on sait que, généralement, les rééditions apportent toujours un plus, certains compléments de programme ont disparu par rapport au double DVD de 2005, et notamment les biographies et discographies, ainsi qu’une timeline et le petit quiz qui permettait, à condition de répondre correctement à toutes les questions, d’entrer dans les studios Abbey Road où le Floyd a (aussi) enregistré.