Rock & Folk

T-shirt

Chaque mois, notre spécialist­e évoque l’histoire d’un appareil, vêtement, instrument ou bibelot de légende...

- 114 R&F AOUT 2014

Le maillot de corps en forme de apparu aux Etats-Unis au tout début du XXe siècle, est certaineme­nt le vêtement le plus universel et le plus répandu jamais créé...

L’origine du maillot de corps marcel — ainsi surnommé dans les années 1950 car un de ses principaux fabricants est les établissem­ents Marcel, basés à Roanne depuis 1949 — remonte au milieu du XIXe siècle, dans le quartier des Halles, au centre de Paris, où chaque matin des manutentio­nnaires (les fameux fortsdesHa­lles) déchargent des centaines de charrettes simplement revêtus d’un tricot de laine sans manches leur garantissa­nt une parfaite aisance dans les mouvements de bras tout en gardant la chaleur sur les reins. Au début du XXe siècle, la forme de ces maillots est conservée pour un sous-vêtement en coton qu’on continue longtemps d’appeler maillotdec­orps. Pendant plusieurs décennies, il reste emblématiq­ue de la France populaire, à l’image des personnage­s qu’incarnent Yves Montand et Charles Vanel dans “Le Salaire De La Peur” d’Henri-Georges Clouzot, en 1953. Aux Etats-Unis, lors de la guerre contre l’Espagne à propos de l’île de Cuba en 1898, la marine américaine équipe ses combattant­s d’un nouveau maillot fabriqué dans du jersey de coton blanc, à manches courtes et à encolure ras du cou, qui est porté sous l’uniforme. Assez rapidement, dans les salles des machines, dans les premiers sous-marins ou lors de missions en climat tropical, les marins sont autorisés à tomber l’uniforme et à travailler en maillot de corps. Appelé T-shirt en raison de sa forme, ce sous-vêtement va bientôt être utilisé dans tous les domaines de l’industrie et de l’agricultur­e. Vite enfilé, vite nettoyé et très bon marché, il devient également le vêtement privilégié des jeunes garçons. Après la crise de 1929, c’est même le seul qu’une partie de la population américaine soit en mesure de se payer. Adopté par les équipes de sport des grandes université­s, le T-shirt devient un symbole du All-AmericanBo­y, conquérant et discipliné. La Seconde Guerre mondiale et les milliers de GI qui le portent sur tous les fronts vont étendre la popularité de ce vêtement à toute la planète. Après leur démobilisa­tion, nombreux sont les vétérans qui gardent leurs T-shirts comme vêtements à part entière. En 1951, dans “Un Tramway Nommé Désir” d’Elia Kazan, et deux ans plus tard dans “L’Equipée Sauvage”, le jeune Marlon Brando lance définitive­ment la vogue du T-shirt, qu’il porte d’un bout à l’autre de ces deux films. Un des plus gros fabricants de T-shirts est une entreprise créée en 1851 par Robert Knight (1826-1912) dans l’Etat de Rhode Island, au nord de New York, dénommée Fruit Of The Loom. Au début du XXe siècle, les filatures de Knight sont considérée­s comme les plus gros fabricants de coton au monde. Grâce à cet outil de production colossal, la confection de T-shirts se fait à échelle industriel­le, et les petites étiquettes au panier de fruits vont bientôt déferler sur les chaumières américaine­s. Durant les années 1950, la jeunesse américaine, bercée dans une nouvelle société de loisirs et de prospérité, s’affirme haut et fort, le rock’n’roll arrive, et les baby-boomers créent leurs nouveaux codes vestimenta­ires. Inspiré par les bikers, le T-shirt fait évidemment partie de la garde-robe des teenagers qui le portent sous leurs Varsityjac­kets ou sous leurs blousons de cuir... Il peut se porter serré, près du corps, manches retroussée­s ou de manière plus cool, flottant à la ceinture et plutôt ample, mais dans les deux cas toujours blanc uni, à la rigueur gris chiné. Pendant cette décennie, en Floride, apparaisse­nt les premiers motifs imprimés sur les T-shirts : des personnage­s de Walt Disney ou des publicités pour des stations balnéaires. Durant les années 1960, les modèles préférés des teenagers et des rockers sont les ringerT-shirts, dont les bords de l’encolure et des manches sont composés d’un coton de couleur contrastan­t avec celui du maillot. Ces modèles vont avoir un gros succès jusqu’à la fin des années 1970 pour disparaîtr­e petit à petit au profit des t-shirts noirs arborant sérigraphi­es ou transferts des groupes du moment. Dans les mensuels musicaux, on assiste à une véritable avalanche de pages de vente par correspond­ance et, à Paris, le célèbre concept store de Michel Esteban, Harry Cover, vend des tonnes de T-shirts rock. Puis, ce bout de vêtement devient aussi un moyen de communicat­ion, on y imprime ce qu’on aime (ou pas). Désormais, des tas de boutiques d’impression sur T-shirts permettent à tout un chacun de réaliser — et de porter — à l’unité ou en série, le graphisme ou le message de son choix.

 ??  ?? Un ringerT-shirt, coupe fille, rare modèle issu de la série limitée TheBeatles, fabriqué par Lee Cooper en 2006. Celui-ci est un hommage aux badges sortis aux Etats-Unis en 1966.
Un ringerT-shirt, coupe fille, rare modèle issu de la série limitée TheBeatles, fabriqué par Lee Cooper en 2006. Celui-ci est un hommage aux badges sortis aux Etats-Unis en 1966.

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