T-shirt
Chaque mois, notre spécialiste évoque l’histoire d’un appareil, vêtement, instrument ou bibelot de légende...
Le maillot de corps en forme de apparu aux Etats-Unis au tout début du XXe siècle, est certainement le vêtement le plus universel et le plus répandu jamais créé...
L’origine du maillot de corps marcel — ainsi surnommé dans les années 1950 car un de ses principaux fabricants est les établissements Marcel, basés à Roanne depuis 1949 — remonte au milieu du XIXe siècle, dans le quartier des Halles, au centre de Paris, où chaque matin des manutentionnaires (les fameux fortsdesHalles) déchargent des centaines de charrettes simplement revêtus d’un tricot de laine sans manches leur garantissant une parfaite aisance dans les mouvements de bras tout en gardant la chaleur sur les reins. Au début du XXe siècle, la forme de ces maillots est conservée pour un sous-vêtement en coton qu’on continue longtemps d’appeler maillotdecorps. Pendant plusieurs décennies, il reste emblématique de la France populaire, à l’image des personnages qu’incarnent Yves Montand et Charles Vanel dans “Le Salaire De La Peur” d’Henri-Georges Clouzot, en 1953. Aux Etats-Unis, lors de la guerre contre l’Espagne à propos de l’île de Cuba en 1898, la marine américaine équipe ses combattants d’un nouveau maillot fabriqué dans du jersey de coton blanc, à manches courtes et à encolure ras du cou, qui est porté sous l’uniforme. Assez rapidement, dans les salles des machines, dans les premiers sous-marins ou lors de missions en climat tropical, les marins sont autorisés à tomber l’uniforme et à travailler en maillot de corps. Appelé T-shirt en raison de sa forme, ce sous-vêtement va bientôt être utilisé dans tous les domaines de l’industrie et de l’agriculture. Vite enfilé, vite nettoyé et très bon marché, il devient également le vêtement privilégié des jeunes garçons. Après la crise de 1929, c’est même le seul qu’une partie de la population américaine soit en mesure de se payer. Adopté par les équipes de sport des grandes universités, le T-shirt devient un symbole du All-AmericanBoy, conquérant et discipliné. La Seconde Guerre mondiale et les milliers de GI qui le portent sur tous les fronts vont étendre la popularité de ce vêtement à toute la planète. Après leur démobilisation, nombreux sont les vétérans qui gardent leurs T-shirts comme vêtements à part entière. En 1951, dans “Un Tramway Nommé Désir” d’Elia Kazan, et deux ans plus tard dans “L’Equipée Sauvage”, le jeune Marlon Brando lance définitivement la vogue du T-shirt, qu’il porte d’un bout à l’autre de ces deux films. Un des plus gros fabricants de T-shirts est une entreprise créée en 1851 par Robert Knight (1826-1912) dans l’Etat de Rhode Island, au nord de New York, dénommée Fruit Of The Loom. Au début du XXe siècle, les filatures de Knight sont considérées comme les plus gros fabricants de coton au monde. Grâce à cet outil de production colossal, la confection de T-shirts se fait à échelle industrielle, et les petites étiquettes au panier de fruits vont bientôt déferler sur les chaumières américaines. Durant les années 1950, la jeunesse américaine, bercée dans une nouvelle société de loisirs et de prospérité, s’affirme haut et fort, le rock’n’roll arrive, et les baby-boomers créent leurs nouveaux codes vestimentaires. Inspiré par les bikers, le T-shirt fait évidemment partie de la garde-robe des teenagers qui le portent sous leurs Varsityjackets ou sous leurs blousons de cuir... Il peut se porter serré, près du corps, manches retroussées ou de manière plus cool, flottant à la ceinture et plutôt ample, mais dans les deux cas toujours blanc uni, à la rigueur gris chiné. Pendant cette décennie, en Floride, apparaissent les premiers motifs imprimés sur les T-shirts : des personnages de Walt Disney ou des publicités pour des stations balnéaires. Durant les années 1960, les modèles préférés des teenagers et des rockers sont les ringerT-shirts, dont les bords de l’encolure et des manches sont composés d’un coton de couleur contrastant avec celui du maillot. Ces modèles vont avoir un gros succès jusqu’à la fin des années 1970 pour disparaître petit à petit au profit des t-shirts noirs arborant sérigraphies ou transferts des groupes du moment. Dans les mensuels musicaux, on assiste à une véritable avalanche de pages de vente par correspondance et, à Paris, le célèbre concept store de Michel Esteban, Harry Cover, vend des tonnes de T-shirts rock. Puis, ce bout de vêtement devient aussi un moyen de communication, on y imprime ce qu’on aime (ou pas). Désormais, des tas de boutiques d’impression sur T-shirts permettent à tout un chacun de réaliser — et de porter — à l’unité ou en série, le graphisme ou le message de son choix.