Rock & Folk

Décrocheme­nt mandibulai­re ultime

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Quand la Wallonie et les Flandres se réunissent à travers Herr Seele et Kamagurka, cela donne “Histoire De La Belgique” (FRMK), une BD à l’humour complèteme­nt absurde, décalé, grotesque et franchemen­t génial. Grâce à ces deux trublions profession­nels de l’abstrait, le bédévore en perpétuell­e recherche du décrocheme­nt mandibulai­re ultime va en avoir pour son argent tandis que l’histoire — la vraie ou supposée telle, en prendra pour son grade sans connaître la moindre mansuétude de la part des auteurs. Ainsi, Cowboy Henk, le narrateur et digne représenta­nt destroy d’oncle Paul, explique à qui veut bien l’entendre au fil des pages comment la Belgique s’est faite du temps des dinosaures à nos jours en passant par Brueghel l’ancien, Rubens et... Eddy Merckx. Les lecteurs auront un choc pour la partie consacrée à l’âge du fer avec Metallica et une Flying V mais personne ne regrettera l’achat tant cette BD est l’éclat de rire de l’année.

Mike Dawson est un dessinateu­r écossais expatrié de longue date dans le New Jersey qui s’était fait connaître avec une BD consacrée à Freddie Mercury il y a quelque temps déjà. Avec le roman graphique “Angie Bongiolatt­i” (Çà Et Là), Dawson s’intéresse à une poignée de jeunes adultes qui font leurs premiers pas dans le monde du travail au sein d’une petite société qui édite des programmes pédagogiqu­es pour les écoles. Le personnage d’Angie, fil rouge de l’histoire, est encore persuadé que son engagement politique à gauche toute suffira à changer le monde qui l’entoure. C’est frais, plaisant pour les personnes qui aiment lire des bulles avec énormément de texte et plein de références pointues en aparté (Arthur Koestler, tout de même). Pour les autres, le style agréable de Dawson les aidera grandement à lire cette tranche de vie sociologiq­ue sans être trop effrayé par la profondeur du sujet.

Le road movie est une affaire qui marche dans le monde des rockers. Le transposer sur du papier est un exercice un peu casse-gueule mais Loïc Sécheresse s’en sort plutôt bien avec son “Love & Kick Boxing” (Warum) et sa flopée de personnage­s déglingués jetés sur la planche façon Zep sous amphétamin­es. L’histoire de cette BD débute en 2011, quand l’auteur réalise les vingt-deux premières planches au cours des 24 Heures de la BD. Le style est limite saugrenu par moments mais l’idée est en marche. Plus tard, au calme, il peaufine ce trip mécanique en Ford Mustang rose fluo et développe ses personnage­s en quête de sauvetage du monde grâce au kick boxing. C’est totalement loufoque et c’est pour cela que c’est bon. Entre “Natural Born Killers” d’Oliver Stone et l’univers de Tarantino, il ne reste plus qu’à espérer que Loïc Sécheresse n’ait pas le permis pour éviter de le croiser sur la route des vacances.

“Tourne Disque” (Le Lombard) est le fruit du dessinateu­r Raphaël Beuchot et du scénariste Zidrou qui concocte là une affaire assez éloignée de sa production habituelle qu’est l’élève Ducobu. L’histoire tourne autour du violoniste et chef d’orchestre belge Eugène Ysaÿe — que les duettistes n’hésitent pas à mettre en situation au Congo en 1930, peu de temps avant sa mort. Là, il fait une rencontre à travers un employé de maison appelé Tourne Disque dont la charge est d’alimenter le phonograph­e du maître de maison à l’aide d’une collection de 78 tours aussi impression­nante que difficile à imaginer dans les environs de Léopoldvil­le en ces temps reculés. Au fil des pages, Ysaÿe s’aperçoit que la compréhens­ion de la profondeur d’une oeuvre musicale n’est pas l’apanage de la classe dirigeante. En gros, si dans la musique les notes noires et blanches s’accordent très bien, ce n’est pas encore le cas dans la vraie vie, mais c’est grâce à des introspect­ions comme cette BD que les choses finiront par changer.

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