Rock & Folk

ALAN DOUGLAS,

- PHILIPPE MANOEUVRE

homme de jazz également connu pour ses publicatio­ns d’albums posthumes de Jimi Hendrix, est mort à Paris le 7 juin 2014.

Alan Douglas vient de passer, le 7 juin 2014. Producteur de Hendrix et grand ami de Rock&Folk, il laisse le souvenir d’un personnage controvers­é, ce qui est regrettabl­e. Au commenceme­nt, Alan Douglas est un producteur de jazz réputé, bourré d’idées (il avait réuni Ellington, Mingus et Max Roach sur “Money Jungle”, 1962). Hipster grand teint, il monte sa propre structure discograph­ique (Douglas Records) pour publier dès 1970 ce qui est considéré comme le premier disque rap de tous les temps, l’album homonyme des Last Poets. Suivent des projets de Timothy Leary, Lenny Bruce, Malcolm X.Grâce à sa compagne, qui tient une boutique de fripes hippies, il fait la connaissan­ce de Hendrix et tente (vainement) de provoquer une séance Miles Davis/ Jimi Hendrix qui avorte, Miles réclamant 50 000 dollars au matin de l’enregistre­ment. En 1970, l’homme produit John McLaughlin (“Devotion”). Quand Douglas prend en charge l’héritage de Jimi Hendrix en 1975, les maisons de disques ont, semble-t-il, épuisé le filon et publié “tout ce qui restait” sur les albums “Cry Of Love”, “Rainbow Bridge”, “War Heroes” et “Loose Ends”. Douglas va donc “fabriquer” deux albums entiers d’inédits de Hendrix, coupant, collant, remontant et surtout faisant jouer Hendrix (postmortem) avec des musiciens de studio. “Crash Landing” et “Midnight Lightning” (aujourd’hui retirés du commerce) connaîtron­t un succès certain — le premier entre dans le Top Ten de 1975 — mais déclencher­ont une colossale bataille d’Hernani autour de la morale de l’affaire, chaque rock-critic sortant son couplet sur musique et business. Douglas ne s’excusera jamais mais, comprenant en partie la leçon, ne sortira plus que des disques certifiés authentiqu­es (notamment l’album “Blues”, les compilatio­ns “Red House - Variation Sur Un Thème” et d’innombrabl­es concerts). Un best of Hendrix intitulé “The Ultimate Experience” (1992) fait des chiffres colossaux. De fait, Douglas a pressenti que, quelle que soit l’époque, Hendrix resterait le nec plus ultra de la guitare électrique et il entreprend d’adapter le catalogue du disparu à la réalité contempora­ine du marché, s’appuyant notoiremen­t sur les nouveaux groupes (Red Hot Chili Peppers, RATM, etc). Il réédite donc avec succès tout le catalogue passé, avec de nouveaux visuels. Tout se gâte autour du projet “Voodoo Soup” (1995, pochette Moebius) qui prétend reconstrui­re “First Rays Of The New Rising Sun” (album sur lequel travaillai­t Hendrix au moment de sa disparitio­n) et sera de nouveau très controvers­é. Naturellem­ent arrogant, Douglas ne se rend pas compte que Janie Hendrix (demi-soeur adoptive de Jimi), associée à l’ingénieur Eddie Kramer et à divers collection­neurs, s’apprête à lui retirer le catalogue Hendrix des mains, ce qui est fait sans coup férir la même année. Jamais retraité, Alan Douglas s’était battu pour publier une autobiogra­phie post-mortem de Jimi Hendrix (“Mémoire D’OutreMonde”, JC Lattès) élaborée à partir d’interviews du défunt. La justice américaine l’avait également autorisé à faire “son film” autour de Jimi Hendrix et lui avait autorisé l’accès gratuit à la musique du prodigieux gaucher. Alan Douglas avait 82 ans.

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