Rock & Folk

HARRY SHEARER

Le comédien a beau prêter sa voix aux “Simpson”, il est pour toujours le bassiste moustachu de “Spinal Tap”, celui dont l’entrejambe sonne aux portiques d’aéroports.

- Olivier Cachin

“Bottez-moi le cul !”

Il s’appelle Harry mais, pour tous les fans du film “Spinal Tap” réalisé en 1984 par Rob Reiner, il est Derek Smalls, le bassiste moustachu coincé entre les deux guitar heroes égocentriq­ues de ce groupe heavy metal dont la carrière imaginaire est la base de ce rockumenta­ire culte, découvert en France au festival rock de Val D’Isère en 1987 puis devenu best-seller des vidéoclubs VHS. Plus de trente ans après avoir traumatisé une génération entière de hardeux — “Après ‘Spinal Tap’, c’est devenu plus dur d’être Def Leppard ou Bon Jovi”, a expliqué Gene Simmons de Kiss — le film est devenu un classique. Harry a d’autres casquettes : il est depuis 1990 la voix d’une vingtaine de personnage­s des “Simpson”, dont celle de Mr Burns. Accompagné de sa femme Judith Owen, il a repris le classique de Spinal Tap “Christmas With The Devil” en version jazz lounge. Et il nous parle du Tap. Entretien volume à 11, évidemment.

Le crâne géant

ROCK&FOLK : Au moment où sortait le film, vous auriez imaginé encore en parler trente ans après ?

Harry Shearer : Non, et tous ceux qui diraient le contraire sont des menteurs. Surtout qu’à la base, on a failli ne pas avoir de distribute­ur. On a dû être le premier film non porno à cartonner en VHS. Ces choses-là, ça ne se prévoit pas. Toutes les majors avaient refusé le script et un mec avec qui bossait Rob Reiner s’est retrouvé à la tête d’un petit studio. Il a signé le projet et on a tourné le film en 25 jours, pour deux millions de dollars. On a tout filmé en extérieurs, jamais dans des studios. Tous les dialogues ont été improvisés par les acteurs.

R&F : On a beaucoup parlé des réactions de rockers comme Steven Tyler, Lars Ulrich, Ozzy Osbourne ou Jimmy Page...

Harry Shearer : J’ignore lesquelles étaient vraies mais je sais que Liam Gallagher d’Oasis était furieux après l’avoir vu. “C’est pas marrant, c’est ma vie !” À la fin des années 1980, on a participé à ce charity

single avec des métalleux, “Hearing Aid”, et tous les mecs avaient adoré le film. Rob Halford de Judas Priest m’a dit : “C’est tellement marrant et vrai ! On était à San Diego hier soir et je ne trouvais pas mon chemin pour arriver sur cette putain de scène !” Ce qui est encore plus drôle, c’est que quand on a nous-mêmes fait une tournée huit ans après le film, il nous est arrivé les mêmes histoires ! On croyait être immunisés, mais non.

R& F : Votre anecdote de tournée la plus improbable ?

Harry Shearer : On avait joué dans un gros festival à Seattle après la sortie du film, et on était venu avec le crâne géant. La production ne voulait pas payer pour le rapporter à Los Angeles donc on l’a laissé à Seattle. Huit ans plus tard, on revient jouer et notre manageuse nous présente ces jeunes rockers qui se retrouvaie­nt tous dans le jardin d’un mec qui y avait installé le crâne. C’était comme un totem pour ces gars, qui se sont avérés être les musiciens de Pearl Jam et Nirvana.

Pas de suite, jamais

R&F : Avez-vous rencontré le vrai Artie Fufkin, l’attaché de presse de Polymer Records ?

Harry Shearer : Quand j’étais en promo à Tucson (Arizona) à mes débuts pour une convention, le responsabl­e du show n’avait pas fourni le matériel nécessaire et le spectacle a été un désastre. J’avais de la fumée qui me sortait par les oreilles et le gars fonce vers nous en disant : “Les gars, bottez

moi le cul !” Il a désamorcé notre colère. Ça nous est resté, et on a utilisé ça dans le film. Le gars en question est devenu vice-président de Warner et pendant des années, il s’est vanté d’être à l’origine de cette réplique.

R&F : Y aura-t-il un jour une suite à “Spinal Tap” ?

Harry Shearer : Nous avons tous fait carrière chacun de notre côté mais nous avons toujours été d’accord sur un point : pas de suite, jamais. Je ne voudrais pas passer le reste de ma vie à entendre les fans me dire : “Vous n’aviez pas besoin d’argent

à ce point ?” On ne déconne pas avec quelque chose auquel les gens sont émotionnel­lement attachés. Et puis ça a été un vrai plaisir de voir tous les producteur­s qui avaient refusé le film nous courir après avec de gros chèques pour faire une Part 2, et de leur dire non.

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