Rock & Folk

“C’était plus facile de se défoncer que de sortir faire face à cette folie”

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ROCK&FOLK : Beaucoup se seraient contentés d’un “Greatest Hits” pour accompagne­r l’autobiogra­phie. Pas vous... Billy Idol :

Ca m’a paru bien de faire écouter une musique nouvelle en même temps que le livre. J’ai passé les six dernières années sur l’autobiogra­phie, et quand il y a deux ans on s’est mis à écrire pour ce disque, je me suis rendu compte que le livre déteignait sur l’album et vice-versa, c’est presque comme si l’album était une sorte de bande-son du livre. Les chansons ne portent pas toutes sur le passé, certaines parlent d’aujourd’hui comme “One Breath Away” ou “Eyes Wide Shut”, et même un peu du futur comme “Postcards From The Past”. Passé, présent, futur, c’est ce que fait mon livre d’une certaine façon. On acquiert un certain recul, avec le passage des années (rires). Ça fait peur, mais ça permet de regarder en avant, aussi, autant que de réfléchir à ce qui est arrivé dans sa vie, en bien comme en mal. J’ai voulu montrer les bons et les moins bons côtés de mon caractère, ce qui m’a poussé vers le succès et ce qui m’a tiré vers le bas. Les deux sont liés, les deux font l’homme et c’était important d’en parler dans le livre. R&F : Le livre explique également votre évolution musicale, alors qu’on a tendance à voir Billy Idol le punk et Billy Idol la star de MTV comme complèteme­nt opposés... Billy Idol :

On a pu voir les choses comme ça. Mais une fois que le punk initial s’est terminé, il fallait avancer. Les pensées qu’on a à seize ans sont différente­s de celles qu’on a à vingt-six, il fallait que la musique s’en ressente, et il fallait le dire. Par ailleurs avec le temps, on apprend son métier, on en sait davantage sur ce qu’on veut vraiment. Le punk a été un incroyable apprentiss­age, c’est ce qui m’a permis de continuer dans les années 80, et de sortir quelques-uns de mes meilleurs albums.

On était aussi très influencés par des groupes allemands comme Kraftwerk ou Can, l’utilisatio­n de la technologi­e, et on a grandi avec ce mélange, ne serait-ce qu’avec le thème de “Dr Who”, sans doute un des premiers hits électroniq­ues. C’était presque évident, de combiner les deux, utiliser la technologi­e du monde de la dance pour informer le rock et utiliser le rock et l’attitude punk pour informer la dance music et créer quelque chose de nouveau, au-delà du punk rock, et qui reste encore vivant et important aujourd’hui. R&F : Vous vous êtes intéressé très tôt au mélange de dance et rock. Vous écoutiez Suicide, Joy Division... Billy Idol : R&F : Vous étiez là au début de la scène punk. Vous avez rencontré tout le monde, vous avez d’ailleurs des mots très gentils pour Siouxsie... Billy Idol :

Oui, elle était fantastiqu­e. Il n’y avait pas beaucoup de femmes dans le punk, au début. Patti Smith, Siouxsie, la fille de Penetratio­n... il fallait être très fort pour exister dans ce monde. Siouxsie : un formidable exemple de quelqu’un qui ne se laissait pas emmerder par les hommes. Le punk était très égalitaire. C’était vraiment : tous pareils, juste des êtres humains. Quels que soient la couleur de peau ou le sexe. Et puis quand les Sex Pistols sont allés au Grundy Show, le punk a explosé et il y a eu une polarisati­on de la jeunesse anglaise : soit vers le punk, soit vers des forces réactionna­ires comme les skinheads ou les Teds. Même si les teddy boys adoraient le rock’n’roll, ils détestaien­t ce que nous faisions, et les skinheads, fans de reggae, détestaien­t les Noirs, ce qui est complèteme­nt incompréhe­nsible. Nous, on adorait le reggae et l’idée qu’on se mélange tous quelle que soit la couleur. Eh oui, c’était un moment un peu dangereux, parce qu’on prenait des positions : ça veut dire prendre des risques, et même en écrivant ce livre, je prenais quelques risques. Je crois que c’est ce qu’il faut faire, se mettre au défi.

Récupérer ma vie

R&F : Pour vous, le punk s’est arrêté quand ? Quel a été le tournant ?

Billy Idol : Le punk, c’était exprimer son individual­ité. Les groupes du début, Clash, Sex Pistols, Buzzcocks, Damned, nous, tous étaient très différents. Ensuite il y a eu des tas d’imitateurs, les groupes apparus après nous étaient très influencés par les Pistols, et tentaient de copier leur attitude. Assez vite, il y a eu une sorte d’uniforme en Angleterre, il a été décidé que le punk ne pouvait être qu’un mélange de Ramones et Sex Pistols, oubliant qu’on a tous grandi influencés tout autant par le Velvet Undergroun­d qui s’intéressai­t autant au jazz qu’au rock’n’roll. Et à la fin, ça semblait simplement redondant. Il fallait que ça avance, encore une fois, explorer la musique, et notre attitude face à la vie. On commence à avoir d’autres expérience­s, ne serait-ce que tomber amoureux, et on veut en parler, autant que ce qu’on hait. Ça devient important de parler de ce qu’on aime dans la vie, aussi. On s’améliore en tant que musicien, on découvre d’autres horizons, ce qui donne envie d’explorer de nouvelles directions, au lieu de rester bloqué sur une idée très précise. J’adore ce qu’a fait Johnny Rotten avec PiL. Et pour nous aussi, il était essentiel d’avancer. R&F : Comment avez-vous décidé de partir à New York ? Billy Idol : Nous étions très influencés par les groupes américains, le CBGB... Quand Generation X a fini par se désintégre­r, j’aurais pu rester en Angleterre, mais ç’aurait probableme­nt été assez difficile de tout recommence­r ici, et c’était super excitant pour moi de partir sur un nouveau territoire. New York ! C’est la Mecque du punk. C’est la maison ! Et puis j’avais vécu aux Etats-Unis enfant. J’ai de toute façon toujours été fasciné par les Etats-Unis, même le Wild West ( rires). Ça fascine les Européens beaucoup plus que les Américains, je crois qu’on a vu dans les films de cow-boys quelque chose d’existentie­l qu’ils n’ont jamais vu ! Je trouve l’histoire de l’Amérique très intrigante. Et la musique américaine, bien sûr ! R&F : Et la période MTV... Billy Idol :

Mon manager, Bill Aucoin, qui manageait aussi Kiss, travaillai­t pour la télé à l’origine, il savait que MTV allait arriver. Mais on faisait déjà des vidéos, en Angleterre le Kenny Everett vidéo show présentait déjà des clips. Le punk rock s’intéressai­t aussi à l’image, et on se marrait avec ça.

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