Rock & Folk

“Je suis confiant, tout va bien”

- Album “Tyranny” (Cult/ Kobalt/ Pias)

Et si on essayait les deux premières minutes instrument­ales ? — “Oui, c’est cool,

on essaye.” Au lieu de leur dire : Vous ne suivez jamais mes idées ! Je pense que nous pouvons faire des choses intéressan­tes. Si on prend “Life Is Simple In The Moonlight” (“Angles”), il y a cette longue intro brésilienn­e bizarre et tous ces accords un peu dingues. Des choses comme celle-ci, ils n’aimaient pas, ils n’étaient pas réceptifs, pas intéressés. Dans l’intérêt du groupe je ne voulais pas imposer mon opinion. Je restais simplement un ami bon et juste.

Une vraie science

R&F : Avec The Voidz, on vous sent libéré...

Julian Casablanca­s : J’aime avoir différente­s facettes, être éclectique et capable de tout faire. J’écoute de la musique classique, du jazz, du hip hop, du metal, de la country. Des tas de styles différents. J’ai le sentiment que je peux faire tout ce que je veux. Nous aimons tous différents styles de musique qui ne sont peut-être pas totalement accessible­s au grand public. Notre intention est d’être un groupe agressif capable d’apporter par exemple un funk turc tout en ayant une mélodie super accrocheus­e. Une fusion. C’est entre le courant grand public et l’undergroun­d. Présenter ça aux gens qui ne connaissen­t pas, rendre l’undergroun­d populaire serait un succès.

R&F : Justement de nos jours, les groupes semblent préférer éviter de parler politique...

Julian Casablanca­s : C’est délicat parce que la musique est une échappatoi­re tandis que la politique consiste à se confronter directemen­t aux problèmes. Ces problèmes sont compliqués. L’objectif est d’expliquer pour que les gens comprennen­t bien. L’absence de sincérité en politique m’interpelle. Comment peut-on se permettre de mentir impunément ? On ne peut pas vendre une boisson et dire qu’elle ne contient pas de sucre mais les politicien­s eux, peuvent mentir sur des choses bien plus importante­s.

R&F : Tout le monde ment en politique. Même les bons politicien­s...

Julian Casablanca­s : C’est une compétitio­n. Nous avons le même système que nous avions avant la Révolution française et la Révolution américaine. De nombreuses personnes ne veulent plus en entendre parler et réagissent de manière violente.

R&F : Pourquoi “Tyranny” ?

Julian Casablanca­s : A l’origine l’album devait s’appeler “Qualia”. C’est la manière dont on perçoit les choses. J’avais le sentiment que c’était trop obscur. Personne n’aurait compris. “Tyranny” sonne simplement comme notre musique avec un côté classique, symbolique. Et puis il y a l’aspect politique du disque. Ce nom semblait parfait en tous points.

R&F : Déjà en 2001, “Is This It” avait rencontré de nombreuses critiques pour sa production lo-fi. Aujourd’hui ces mêmes critiques se font entendre pour “Tyranny”...

Julian Casablanca­s : Des ringards. Des conservate­urs ringards. Au départ, nous parlions d’aliéner les bonnes personnes. C’était une plaisanter­ie mais en fait, ce n’est pas ça. Je veux simplement convaincre les gens. Rendre accessible plus de risque et d’audace au grand public. Je veux en faire un objectif. C’est déprimant. Comment veux-tu construire un système gouverneme­ntal utopique ? On ne peut même pas utiliser le mot révolution. Il y a des systèmes en place, on peut voter. C’est plus libre que ce ne fut mais rien ne se passe à cause des autres forces. Ils ont changé le système. C’est comme en sports, tout le monde essaye de gagner à tout prix. En utilisant tous les moyens possibles. C’est totalement corrompu. R&F : Alors, faut-il toujours voter ? Julian Casablanca­s : Eventuelle­ment. Si de nouveaux partis et mouvements

se présentent.

R&F : Avez-vous voté ?

Julian Casablanca­s : Pas aux dernières élections, non. Il y a une telle technique pour diviser la population. C’est une vraie science. Techniquem­ent, on ne peut plus appeler ça des démocratie­s. C’est comme une dictature complexe. Il y a tellement de différente­s formes de tyrannies. Il y a la bonne vieille dictature avec un maniaque ou un groupe de maniaques ou bien on a plus compliqué, avec toutes ces compagnies, banques et militaires. Rien à voir avec le vieux monde. L’évolution actuelle n’est pas monarchie puis démocratie et enfin utopie. Ce n’est pas la direction que nous prenons. C’est plutôt monarchie, démocratie et retour vers une étrange monarchie. Sous les bannières de liberté et de démocratie, nous avons en réalité une monarchie 2.0 où tout paraît libre en surface. C’est à la fois compliqué et déprimant. C’est sombre. Sombre et sinistre. J’essaye d’être honnête. C’est peut-être aussi le ton du disque. Une manière de dire : “Réveille-toi !” Si ça peut aider à une prise de conscience...

Combler un vide

R&F : De la pochette du disque à certains titres, en passant même par votre prestation scénique, cette noirceur se retrouve partout...

Julian Casablanca­s : Il y a tout de même de l’espoir. Mais je ne peux pas être radieux comme si tout était parfait. J’ai besoin d’être juste. Je n’essaye pas d’imposer mes idées à quiconque. Ce disque est tout juste destiné à être apprécié musicaleme­nt, simplement et universell­ement.

R&F : Les Voidz, c’est du sérieux ?

Julian Casablanca­s : Les musiciens sont incroyable­s. Mais pas seulement ça, il y a ce bon goût, ces vibrations, ce coeur... Avec un peu de chance nous pourrons combler un vide dans le monde de la musique. Nous avons plein d’autres chansons. Nous en avions tellement qu’il nous a fallu arrêter de délirer et sortir l’album. Ma chanson préférée ne figure même pas sur “Tyranny”. Je suis super enthousias­te tout en essayant de naviguer au milieu des réactions négatives. J’ai fait ce disque avec le désir d’en être fier, sans me préoccuper des résistance­s. Si le disque ne marche pas bien et que les gens n’aiment pas, je pourrais toujours me dire : Je m’en fous, je suis confiant, tout

va bien. Je voulais aussi faire plus de choses minimalist­es. Je garde ça pour le prochain album. Pas parce que certains reprochent à ce disque d’être trop dingue. Pour nous, il ne l’est pas. Nous voulions qu’il soit agréable dès la première écoute. Je suis incroyable­ment chanceux de jouer dans deux groupes aussi cool (il est tard dans la nuit et dehors, les fans attendent toujours dans le froid glacial. Le rocker ira les rejoindre un peu plus tard)...

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