Rock & Folk

Bobby Keys, incroyable source d’énergie et

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Et si sa grand-mère (qui l’élève) n’a pas les moyens de lui offrir une de ces fameuses guitares électrique­s dont rêve chaque kid américain, il déniche vite un harmonica, son premier instrument. Dans la région de Lubbock, les radios déversent un flot ininterrom­pu de rock’n’roll. En même temps, toutes les associatio­ns religieuse­s du Sud tentent de combattre ce phénomène de jeunesse et multiplien­t les conférence­s, tracts, admonestat­ions. “Ne laissez pas vos enfants

écouter la musique du diable”, tempête la droite réac, rassemblan­t enseignant­s, hommes de loi et religieux, tous d’accord avec le Klan pour organiser de grands autodafés sauvages durant lesquels on brûle des centaines de disques rock’n’roll. Dans cette ambiance furieuse, Bobby Keys déniche un saxophone dans son lycée et apprend à en jouer. Il répète. Et répète. D’autant qu’un accident de baseball met fin à ses rêves de football américain. Repéré par un entreprene­ur local, Bobby Keys, surnommé Texas par ses collègues, se retrouve sur la route dès l’âge de treize ans. “Je tournais avec

Buddy Knox (‘Party Doll’) au Canada. On s’est fait tous les trous du cul de

bleds du pays et il y en a un paquet.” Les gars écument sept ans durant le Midwest. Avec des virées au Mexique où Bobby est déniaisé par une pute à cinq dollars. Il a quatorze ans et une chose est claire : Bobby Keys peut jouer dans n’importe quel style, blues, rhythm and blues, rock’n’roll. La réputation du gamin au saxophone grandit. Il tourne avec la Dick Clark Caravan Of Stars, avec Little Eva, Freddy Boom Boom Cannon, Frankie Avalon, The Imperials, nombre de stars du Top Ten. Bobby voit pour la première fois les Rolling Stones en juin 1964, au festival Teen Fair de San Antonio. Bobby raconte : “C’était la première tournée des Stones en Amérique. Tous les artistes étaient logés par le promoteur au San Antonio Ramada Inn. Ma chambre jouxtait celle que partageaie­nt Keith Richards et Brian Jones. Leur nouveau single était ‘Not Fade Away’ (d’après Buddy Holly), ce qui favorisa notre première prise de contact. Brian jouait aussi du sax, mais pas très bien. Il était un excellent harmonicis­te. Nous avons parlé de Lubbock, de Buddy et une amitié a commencé.” Mais de fait, Bobby est né exactement le même jour que Keith Richards (18 décembre 1943) et la rencontre entre les deux rockers est un choc : “Keith avait les mêmes caractéris­tiques que Buddy Holly. Je parle de gars déterminés. Buddy était un type incroyable, un grand binocleux aux dents tachées de nicotine, mais putain, il allait y arriver. Sans peur ni rien. Et Keith était pareil. La même force. A vous glacer la moelle épinière.” Un autre truc choque Bobby Keys : les Rolling Stones sont le premier groupe qu’il voit de sa vie à ne pas porter d’uniformes sur scène.

Wild saxophone

S’il est clair que les guitariste­s sont les champions de l’imagerie légendaire du rock, les saxophonis­tes ne leur concèdent pas un pouce de terrain. Wikipédia en recense 47 mémorables en Amérique, 28 en Grande- Bretagne. On se souviendra ici de Lee Allen (saxo de Fats Domino et Little Richard) auteur du fameux “Walking With Mr Lee”. Citons le big man Clarence Clemons, n’oublions pas Edgar Winter, et plaçons au sommet le phénoménal King Curtis, premier des mentors de Bobby Keys. Après moult tournées, aventures, bastons, arrestatio­ns pour possession d’herbe, incidents divers et variés, Bobby Keys marne dans des bouges : Los Angeles, puis Sioux City, Denver. Il rencontre Delaney, puis Bonnie qui chantait dans un bowling. Un groupe s’assemble autour du pianiste Bobby Whitlock. Il en est. Finalement, Keys devient une des pointures du studio Muscle Shoals en Alabama. Studio qui reçoit le 3 décembre 1969 la visite des Rolling Stones venus enregistre­r (en cachette de Decca avec qui ils sont en fin de contrat) une version de “Brown Sugar”. Les Stones avaient perdu avec Brian Jones leur arme secrète : le multi-instrument­iste de génie. Ils le remplacent désormais par Nicky Hopkins, Ry Cooder, Gram Parsons, Bobby Keys. Même analyse chez Robert Greenfield dans “STP” : “Pour les Stones, Bobby Keys est une incroyable source d’énergie, et un lien authentiqu­e avec ce vieux rock’n’roll dont Keith, particuliè­rement, se sent l’héritier.” Bobby fait sa première apparition sur un disque des Rolling Stones en même temps que Mick Taylor. Sur “Let It Bleed”, il empoigne l’époustoufl­ant

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