Rock & Folk

King Gizzard& The Lizard Wizard

“I’M IN YOUR MIND FUZZ” HEAVENLY/COOP

- BASILE FARKAS

Pour qui apprécie l’excès, la saturation, la démence, l’irresponsa­bilité la plus totale : le groupe australien ici à l’honneur possède un potentiel de champion olympique. On recense ici sept musiciens, dont deux batteurs comme au temps béni des Warlocks, tous réunis sous l’étendard le plus stupide depuis pas mal de temps : RoiGésierE­tLeMagicie­nLézard. Ces Australien­s ont enregistré quatre albums avant ce manifeste à la pochette grand-guignol mais au contenu foutrement riche. Celui-ci démarre par une suite de quatre morceaux stupéfiant­s. Une suite telle qu’on en faisait à l’âge du prog rock, avec des histoires de lutin, des mouvements et du flûtiau ? Non, car les pauvres Lizard Wizard sont fort heureuseme­nt des gens beaucoup moins évolués. Ici, on attaque donc par quatre courts morceaux (“I’m In Your Mind”, “I’m Not In Your Mind”, “Cellophane” et enfin “I’m In Your Mind Fuzz”, bravo) qui sont en réalité quasiment semblables : même rythme joué à un tempo tachycarde, même riff obsédant, sur lesquels le groupe s’autorise quelques sommaires variations, solo d’harmonica cosmique, lignes de guitares arabisante­s, feedback, hurlements. Ce genre de choses très énergiques, mais en même temps psychédéli­ques, rappellera aux spécialist­es les méfaits de Thee Oh Sees. Bingo, aux Etats-Unis, c’est sur le label Castleface de John Dwyer que le septuor des Antipodes est signé. Après cette mise en bouche hypnotique, nos Aussies s’aventurent dans des paysages plus fleuris, mélodieux. L’étonnant “Empty” marque le décollage du disque, avec ses synthés, son groove de basse et son refrain en colimaçon. C’est la force et la faiblesse de ce groupe : sa faculté à sonner comme beaucoup de bonnes production­s récentes, pêle-mêle Ty Segall, King Tuff, Mac DeMarco, les bricoleurs de l’extrême Flaming Lips, ou encore l’axe Tame Impala/ Pond. Sauf que l’aspect farces et attrapes du disque, ainsi que sa production irrémédiab­lement cradingue s’oublient rapidement. Voilà donc un vrai bon groupe, capable de trouver des pierres précieuses. Pleines de terre, mais splendides tout de même (“Am I In Heaven”). Stu Mackenzie, le patron, est en tout cas capable de trousser des refrains valables, porte d’entrée indispensa­ble à ceux que les remous garage, fréquents ici, ennuieraie­nt. Le disque, quoi qu’il en soit, tient solidement l’asphalte, tant pour ses titres rêveurs (“Satan Speeds Up”) que pour ses ruades de huit minutes (“Slow Jam 1” qui ne l’est pas du tout). Mais c’est sur la piste finale que les turbulents habitants de Melbourne donnent enfin vraiment leur pleine mesure : “Her & I (Slow Jam II)”, qui part dans le space rock, mais comporte un refrain tout miel ainsi qu’un solo de wah-wah qui ne déplaira pas aux aficionado­s de Santana. C’est superbe, excitant, un peu systématiq­uement saturé, mais néanmoins très cohérent.

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