Eric Bibb
“Blues People”
DIXIEFROG/HARMONIAMUNDI
Eric Bibb livre ses albums avec une régularité d’horloger suisse, un l’an en moyenne, toujours articulés autour d’un concept. Parfois il est en Louisiane, parfois à Bamako, ou bien la découverte de la guitare de Bukka White lui inspire moult chansons. L’idée de celui-ci, qui reprend le titre de l’ouvrage sur le blues de Leroi Jones, publié en 1963, est d’explorer de nouveau, en ce début de siècle désenchanté, les aspirations du mouvement pour les droits civiques à la fin des années 50. Un tunnel de blues acoustiques, en picking, en slide, ouvrent l’album, ni désagréables, ni mémorables, jusqu’au sixième titre, à partir duquel sont nichés les morceaux les plus intéressants. “Chocolate Man” est un blues antique, bien charpenté, qui vaut surtout pour la voix rugueuse de Guy Davis, contraste avec celle, sans aspérités aucune, de Bibb. Celui-ci livre derrière, seul, “Rosewood”, examen d’un lynchage en 1923 en Floride, avec quelques cordes, un joli refrain. “I Heard The Angels Singin’ ” bénéficie de la ferveur des Blind Boys Of Alabama puis “Dream Catcher”, avec Ruthie Foster, lorgne sur le territoire de Curtis Mayfield. Derrière, les aspects qui agacent dans l’appréciation d’Eric Bibb prédominent, ce parti pris lisse, consensuel, criant sur “Chain Reaction” et ses voix pop, “Needed Time” ou “Remember The Ones”, décalque des Staple Singers. L’aspiration finale au retour à l’Afrique (“Home”) se fait au son d’une musique (sud)-africaine de carte postale. Tout cela, pavé de bonnes intentions et ouvragé avec un certain savoir-faire, parlera peut-être de ce côté de l’Atlantique ; pour ce qui est de sa résonance auprès des Afro-Américains de 2014, on en doute. ✪✪