Hubert-Félix Thiéfaine
“Stratégie De L’Inespoir”
LILITH/SONY MUSIC
Bel exemple de continuité par-delà les modes et les diktats du showbiz, Thiéfaine publie son dix-septième album en plus de quarante ans de carrière. Le précédent (en 2011) a connu un succès inattendu et braqué les projecteurs médiatiques sur cet artisan hors normes qui jusque-là n’avait jamais eu besoin d’une telle reconnaissance officielle pour remplir les salles et fidéliser son public. Pour ces douze nouvelles chansons, il a fait appel à divers compositeurs comme Jeanne Cherhal, Yan Péchin ou Arman Méliès, et confié les arrangements et une partie de la réalisation à son jeune fils Lucas : le but de l’opération semble être de varier mélodies et harmonies en les rendant plus attrayantes et le chant, plus apaisé et moins mordant, se met au diapason, quitte à se fourvoyer dans des registres qu’il maîtrise mal. Ce phénomène est particulièrement sensible avec les deux échecs vocaux les plus flagrants : “Lubies Sentimentales” (composé par Cali) ou “Amour Désaffecté” (composé par JP Nataf). De telles tentatives d’évolution en douceur vers un format plus pop ne font pas le poids face aux morceaux que Thiéfaine a totalement conçus : “En Remontant Le Fleuve”, superbe ouverture pleine de sérénité, “Karaganda (Camp 99)”, coup de gueule anar sur lequel plane l’ombre de Léo Ferré, et “Toboggan”, ballade nostalgique. S’il est alors proche du ton déclamatoire qui constituait son image de marque rebelle, il le fait évoluer en posant sa voix, en jouant davantage sur les nuances, et on assiste à une véritable adéquation des chansons avec la densité et la force de ses textes, puisque l’écriture constitue toujours son terrain de prédilection. ✪✪✪