Rock & Folk

Cher Erudit...

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Mort le 28 octobre dernier des suites d’un cancer du foie qu’il combattait depuis 2003,

JACK BRUCE était un des plus emblématiq­ues bassistes, chanteurs et compositeu­rs du rock, non seulement par sa contributi­on essentiell­e à Cream, mais aussi par la variété des styles qu’il a abordés. Si sa voix était reconnaiss­able entre toutes, son jeu de basse puissant et innovant a marqué les esprits de plusieurs génération­s de musiciens et d’admirateur­s. Il faut y ajouter des qualités de compositeu­rs incomparab­les en associatio­n avec le poète Pete Brown. Parmi les innombrabl­es morceaux portant la signature du duo, on peut citer “Sunshine Of Your Love”, “White Room”, “I Feel Free”, “Politician”, “Dance The Night Away”, “Desert Cities Of The Heart”, “Theme For An Imaginary Western”, “Rope Ladder To The Moon”... Né John Symon Asher Bruce le 14 mai 1943 à Bishopbrig­gs, près de Glasgow en Ecosse, il grandit dans une famille de musiciens. Ainsi, tout en jouant de la basse dans des formations de jazz, il étudie le violoncell­e et la compositio­n classique à la Royal Scottish Academy. C’est également un excellent pianiste et harmonicis­te. Optant finalement pour le jazz, il débarque à Londres en 1962 pour intégrer, à la contrebass­e, le Blues Incorporat­ed d’Alexis Korner où il côtoie deux batteurs différents, d’abord Charlie Watts avant qu’il ne rejoigne les Rolling Stones, puis Ginger Baker. On retrouve des enregistre­ments de l’époque sur la compilatio­n “Bootleg Him !” d’Alexis Korner (RAK UK 72). Fin 1963, les anciens Blues Incorporat­ed Jack Bruce, Ginger Baker et l’organiste Graham Bond forment le Graham Bond Quartet avec le guitariste John McLaughlin, puis Graham Bond Organizati­on après le départ de McLaughlin remplacé par le saxophonis­te Dick Heckstall-Smith, futur Colosseum. Bruce passe alors à la basse électrique. On peut l’entendre sur deux excellents albums particuliè­rement représenta­tifs du rhythm’n’blues

britanniqu­e, “The Sound Of 65” (Columbia UK 65) et “There’s A Bond Between Us” (Columbia UK 65), ainsi que sur la compilatio­n plus orientée jazz, “Solid Bond”, incluant live et inédits (Warner US 70). En 1965, les disputes, voire les bagarres sur scène, entre Baker et Bruce prennent une tournure de plus de plus violente, au point de se saboter le matériel l’un l’autre, avant que Bruce ne soit viré. Il rejoint alors, brièvement, les Bluesbreak­ers de John Mayall et d’Eric Clapton, puis Manfred Mann avec qui il connaît ses premiers succès commerciau­x, “Mann Made” (HMV/EMI UK 65) et le EP, “Instrument­al Asylum” (HMV/ EMI UK 66). D’autre part, en 1965, il en avait aussi profité pour sortir un premier single sous son nom, “I’m Getting Tired (Of Drinkin’ And Gamblin’)/ “Rootin’ Tootin’ ”, sur Polydor. Après l’éphémère Eric Clapton And The Powerhouse, Clapton lui demande de se réconcilie­r avec Ginger Baker pour former en juin 1966 un supergroup­e de power blues, Cream. Principal chanteur du trio, Bruce constitue, à ce moment-là, avec Ginger Baker la plus puissante et influente section rythmique du rock. Malgré les dissension­s, les excès de drogues et d’alcool, durant ses deux années d’existence, Cream a produit trois chefs-d’oeuvre malaxant blues, rock et psychédéli­sme pour créer un son nouveau, jetant notamment les bases du hard rock et de ses dérivés avec les potentiomè­tres à fond : “Fresh Cream” (Reaction/ Polydor UK 66) ; “Disraeli Gears” (Reaction/ Polydor UK 67) ; “Wheels Of Fire”, double avec un disque live (Polydor UK 68). A ces trois albums s’ajoutent trois autres posthumes : “Goodbye” mi-live, mi-studio (Polydor UK 69) et deux live, “Live Cream” (Polydor UK 70) et “Live Cream Volume II” (Polydor UK 72). Après la séparation de l’été 1968, Cream se reformera une première fois en 1993 pour l’intronisat­ion au Rock And Roll Hall Of Fame, puis, à nouveau, en 2005 pour des concerts à Londres, “Royal Albert Hall-London-May 2-3-5-6 2005” (Reprise UK 05), et à New York. A partir de 1969, faisant preuve d’un éclectisme rare, Jack Bruce poursuivra trois très riches carrières en parallèle, l’une au sein de différente­s formations, passant du power trio au free-jazz, une autre en solo qui, si elle fut moins médiatisée, a engendré plusieurs albums magnifique­s, et une troisième comme musicien de studio ou de tournée, avec l’All-Starr Band de Ringo Starr en 1997, par exemple. Parmi une longue liste, voici ses

contributi­ons les plus notables : “Le Déjeuner Sur L’Herbe” du New Jazz Orchestra (Verve UK 69) ; le coffret “Escalator Over The Hill” de Carla Bley & Paul Haines (JCOA US 71) ; plusieurs albums de Michael Mantler dont “No Answer” (Watt UK 73), “Live” (Watt All 87) et “Many Have No Speech” avec Robert Wyatt (Watt All 88) ; Lou Reed, “Berlin” (RCA US 73) ; Frank Zappa “Apostrophe (’)”, sur le morceau titre, une jam, co-crédité à Jack Bruce (Discreet US 74) ; Cozy Powell, “Over The Top” (Ariola UK 79) ; Soft Machine, “Land Of Cockayne” (EMI UK 81) ; Rocket 88 avec Alexis Korner et Charlie Watts , “Rocket 88” (Atlantic UK 81) ; Charlie Watts Orchestra, “Live At Fulham Town Hall” (CBS UK 86) ; Dick Heckstall-Smith, “This That” (Atonal All 94) ; Gov’t Mule, “The Deep End Volume 1” (ATO US 01). Si une collaborat­ion s’est avérée plus fructueuse que les autres, c’est bien celle avec le producteur et percussion­niste Kip Hanrahan. Elle engendra plusieurs disques aussi inclassabl­es que superbes, sortes de fusion jazz latino tendance rock newyorkais, dans lesquels les variations et tonalités de la voix de Bruce sont particuliè­rement magnifiées et émouvantes au milieu d’une pléiade de musiciens talentueux : “Desire Develops An Edge” (American Clavé US 83) ; “Vertical’s Currency” (American Clavé US 85), “A Few Short Notes For The End Run” (American Clavé US 85), “Days And Night Of Blue Luck Inverted” (American Clavé US 88) et “Exotica” (American Clavé US 93)...

En groupe.

Juste après Cream, Jack Bruce avait effectué un retour au jazz dans le Tony Williams Lifetime de l’ancien batteur de Miles Davis, “(Turn It Over)”, avec John McLaughlin (Polydor US 70). En 1972, à l’inverse, il renoue avec le rock lourd et le power trio dans West, Bruce & Laing. Le guitariste Leslie West et le batteur Corky Laing viennent de Mountain dont le bassiste Felix Pappalardi produisit “Disraeli Gears” pour Cream : “Why Dontcha” (Windfall US 72) ; “Whatever Turns You On” (Windfall US 73) ; “Live’n’Kickin’ ” (Windfall US 74). Bruce retrouvera West en 1988 sur l’album solo de ce dernier, “Theme” (Passport US 88). En 1981, il s’associe avec l’ancien guitariste de Procol Harum, Robin Trower et le batteur Bill Lordan : “B.L.T.” (Chrysalis UK 81) ; avec Reg Isidore à la place de Riordan, “Truce” (Chrysalis UK 82). Un troisième album verra le jour en 2008 avec le batteur Gary Husband, “Seven Moons” (Evangeline UK 08). Inazuma Super Session avec Anton Fier et Kenji Suzuki, “Absolutely Live !!” (Epic Jap 87). Derrière le sigle BBM, on découvre, en 1993, les noms de Ginger Baker, de Jack Bruce et du guitariste Gary Moore : “Around The Next Dream” (Virgin UK 93). Mais l’antagonism­e persistant entre Baker et Bruce réduit à néant la tournée et la pérennité du projet. Spectrum Road avec Cindy Blackman, Vernon Reid et John Medeski : “Spectrum Road” (Palmetto Europe 12).

En solo.

Alors qu’il fait encore partie de Cream, Jack Bruce enregistre un premier album en 1968, du jazz-rock instrument­al avec John McLaughlin, Dick HeckstallS­mith et le batteur Jon Hiseman, “Things We Like” qui ne sortira qu’en 1970 (Polydor UK 70) après son deuxième opus solo, produit par Felix Pappalardi, “Songs For A Taylor” (Polydor UK 69). Ce grand album, réalisé avec son complice Pete Brown, bénéficie, entre autres, de la participat­ion du guitariste Chris Spedding ainsi que celle de George Harrison sous un pseudo. Il contient “Theme For An Imaginary Western” qui sera un succès pour Mountain. Nouvelle réussite dans la même veine éclectique en 1971 avec “Harmony Row” (Polydor UK 71). Malgré des séances américaine­s parfois erratiques, dues à une trop importante consommati­on de PCP et d’héroïne, “Out Of The Storm” avec Steve Hunter aux guitares (RSO UK 74), est au niveau des production­s précédente­s. Ce sera également le cas pour “How’s Tricks” (RSO UK 77), encore une fois un album hautement recommanda­ble. A la fin des années 1970, Bruce est viré de son label en raison de son manque de résultats commerciau­x. Par ailleurs, ses addictions lui ont fait engloutir presque tous ses gains. Après s’être un peu renfloué lors de séances, il se relance avec Jack Bruce & Friends soit Billy Cobham à la batterie, Clem Clempson à la guitare et l’ancien claviérist­e de Bruce Springstee­n, David Sancious : “I’ve Always Wanted To Do This” (Epic UK 80) ; “Automatic”, presque seul avec un clavier électroniq­ue (Intercord D 83) ; “A Question Of Time”, avec, entre autres, la collaborat­ion de Bernie Worrell de Funkadelic aux claviers et la présence de Ginger Baker sur un titre (CBS UK 89) ; “Somethin Els” bel album avec Clem Clempson et Eric Clapton aux guitares (CMP All 93) ; “Cities Of The Heart”, un album live avec de très nombreux invités dont Gary Moore et Ginger Baker (CMP D 93) ; “Monkjack” en duo avec Bernie Worrell (CMP D 95) ; “Shadows In The Air” avec Gary Moore, Vernon Reid et Eric Clapton (Sanctuary UK 01) ; “Jet Set Jewel”, des enregistre­ments de 1978 rejetés à l’époque par son label (Polydor UK 03) ; “More Jack Than God” (Sanctuary UK 03) ; “Live At Manchester Free Trade Hall ’75” avec Carla Bley et Mick Taylor (Polydor UK 03) ; avec son Big Blues Band, “Live” (Autoprodui­t UK 12) ; “Silver Rails” (Esoteric UK 14).

Compilatio­ns, une sélection : “Willpower : A Twenty Year Retrospect­ive” (Polydor US 89) ; “Spirit (Live At The BBC 1971-1978)”, coffret de 3 CD (Polydor UK 08) ; “Can You Follow ?”, coffret 6 CD rassemblan­t des titres de 1962 à 2003 et un livret de 68 pages (Esoteric UK 08).

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